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Page:Revue de Paris - 1900 - tome 4.djvu/415

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LE FEU

rains. Toute la colline est riche d’eaux vives. À gauche, s’élève comme un château-fort la Fontaine Paolina. Plus bas, est la tache noire du Bosco Parrasio, où siégeaient autrefois les Arcadiens. Un escalier de pierre, partagé en deux branches par une succession de larges vasques débordantes, monte à une terrasse où aboutissent deux avenues de lauriers vraiment apolloniennes et dignes de conduire les hommes vers la Poésie. Qui pourrait imaginer une entrée plus noble ? Les siècles y ont mis l’ombre du mystère. La pierre des marches, des balustres, des vasques, des statues, rivalise d’âpreté avec l’écorce des platanes vénérables, devenus creux par la vieillesse. On n’entend que le chant des oiseaux, le clapotement des jets d’eau, le murmure de la feuillée ; et je crois que les poètes et les simples pourraient y entendre la palpitation des Hamadryades et le souffle de Pan…

Infatigable, le chœur aérien montait, montait, sans défaillances, sans pauses, emplissant de lui-même tous les espaces, pareil au désert immense, pareil à la lumière infinie. Dans le sommeil des lagunes, l’impétueuse mélodie créait l’illusion d’une anxiété unanime qui se fût élevée des eaux, des sables, des herbes, des vapeurs, de toutes les choses naturelles, pour en suivre l’essor. Toutes les choses, qui naguère semblaient inertes, avaient maintenant une respiration profonde, une âme émue, un désir de s’exprimer.

— Écoute ! écoute !

Et les images de la Vie évoquées par l’animateur, et les antiques noms des énergies immortelles qui circulent dans l’Univers, et les aspirations des hommes à franchir le cercle de leur supplice quotidien pour s’apaiser dans la splendeur de l’Idée, et les vœux et les espérances et les audaces et les efforts, dans ce lieu d’oubli et de prière, en vue de l’île humble où l’Époux de la Pauvreté avait laissé ses traces, furent exemptes de l’ombre de la Mort par la seule vertu de cette mélodie.

— Ne dirait-on pas l’allégresse frénétique d’un assaut ?

En vain les rives pâles, les pierres émiettées, les racines pourries, les vestiges des œuvres détruites, les odeurs de la dissolution, les cyprès funèbres, les croix noires, en vain tout cela rappelait-il la parole même que, le long du fleuve, les