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LA REVUE DE PARIS

le régime des colonnes et ses conséquences, et elle n’a connu qu’un instant, et tout à fait accidentellement, les entraves bureaucratiques, les chinoiseries des rattachements ministériels, le gouvernement indirect et lointain de l’antichambre et du couloir.

À l’intérieur, la Tunisie n’eut pas à subir non plus le bouleversement soudain des institutions, la substitution brusque d’une administration étrangère à l’administration indigène, l’invasion subite des fonctionnaires coloniaux. Obligée par l’article 4 du traité de Ksar-Saïd à respecter les traités existant entre la Tunisie et les autres Puissances, la France ne pouvait toucher que progressivement, et par voie diplomatique, au régime des Capitulations. La transition dut se faire sans secousses, régulièrement, avec beaucoup de temps et de patience. Ainsi ménagée, l’évolution ne pouvait manquer d’être pacifique. À ses débuts, le Protectorat ne s’occupa guère de colonisation. La Tunisie, à ce moment, n’était, comme on le disait officiellement, « qu’une affaire diplomatique ». Le Résident n’avait qu’à négocier, à préparer l’abrogation progressive des Capitulations, à contenir les prétentions des colonies étrangères, — des « Nations », comme on disait alors. La seule « Nation Française », n’ayant affaire qu’au Protectorat et non plus au gouvernement beylical, avait disparu en tant que corps constitué et n’avait plus de députés. On lui donna une Chambre de commerce dénuée de toute compétence politique et maintenue strictement dans les limites de son domaine professionnel.

Ce fut pour la colonie une grosse déception. Elle avait espéré beaucoup de l’occupation française. Il lui semblait qu’elle devait bénéficier la première de notre domination, qu’elle devait être, elle aussi, dominante, privilégiée, supérieure en droits aux autres colonies européennes. Et M. Cambon, préoccupé avant tout, et avec raison, de l’œuvre primordiale, qui était l’établissement même du protectorat, devait lui prêcher la patience, la modestie, l’abnégation même, lui rappelant qu’elle était la dernière venue la moins nombreuse. À quoi la Chambre de commerce répondait qu’elle ne comprenait pas qu’on lui fit regretter le gouvernement du Bey.

La lutte s’engagea, vive et presque violente, entre la