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LE TRAITÉ DES PASSIONS DE DESCARTES

ET

L’ÉTHIQUE DE SPINOZA


Il n’est peut-être pas exagéré de dire que la théorie de la liberté ou de l’affranchissement des passions dans la ve partie de l’Éthique – c’est-à-dire la partie la plus importante de la morale de Spinoza pour ce qui regarde la vie présente est contenue tout entière dans la propos. 2, part. v : « Si nous dégageons une émotion de l’âme, une passion, de la pensée d’une cause extérieure et si nous la joignons à d’autres pensées, l’amour et la haine à l’égard de cette cause extérieure, et les fluctuations de l’âme qui en sont la suite, disparaîtront. » Il suffit en effet de se reporter au scholie de la propos. 20, v, où sont énumérés tous les moyens que nous avons d’agir sur nos passions, pour voir que tous se réduisent à la substitution d’idées adéquates à des idées inadéquates. « La puissance de l’âme se détermine uniquement par le degré de connaissance qu’elle possède, son impuissance par la seule privation de connaissance, c’est-à-dire par ce qui fait qu’elle a des idées inadéquates. » La connaissance claire et distincte ne détruit pas nos passions en tant que passions : car l’homme, dans la vie présente, ne cesse pas de faire partie de l’Univers, par conséquent de subir le contre-coup des causes extérieures, donc d’être passif. Mais la connaissance vraie fait du moins que les passions ou idées inadéquates ne constituent que la plus petite partie de notre âme, et c’est en cela que consiste notre affranchissement. Or, si cet affranchissement est possible, c’est que « notre âme est déterminée à aller de la passion qui l’affecte à la pensée des objets qu’elle perçoit clairement et distinctement, et où elle trouve un parfait repos : et par suite, la passion se trouvant séparée de la pensée d’une cause extérieure, et jointe à des pensées vraies, l’amour, la haine, etc.,