Page:Revue de métaphysique et de morale, 1896.djvu/59

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L. WEBER. IDÉES CONCRÈTES ET. IMAGES SENSIBLES’. 87, Aucune raison, d’ailleurs, n’incline à supposer que, parmi les(états de conscience, ceux qui appartiennent au groupe subjectif soient plus aptes que ceux du groupe objectif à revêtir la forme d’existence qu’implique l’identité logique. Pas plus- que les images sensibles, le sentiment de vivre ne possède en lui-même et à l’origine la faculté d’être, en dehors des conditions d’espace et de temps. Comme elles, il a besoin de subir l’activité intellectuelle afin de pouvoir donner naissance à l’idée, d’un moi distinct et substantiel. Mais l’existence du moi, ainsi que celle des objets extérieurs, choses et phénomènes, sont les formes mêmes des idées qui leur correspondent ; le moi et les objets extérieurs n’existent qu’autant que ces idées ont pris consistance dans chaque esprit, et leur réalité particulière dépend en dernier lieu des habitudes mentales établies par la communication des esprits au moyen de la pensée discursive.

Leibniz demande quelque part « je voudrais bien sa voir comment nous pourrions avoir l’idée de l’être si nous n’étions nous-mêmes des êtres et ne trouvions ainsi l’être en nous. » En fait, nous ne trouvons pas plus l’être en nous qu’en dehors de nous ; nous dégageons l’être des opérations de la pensée, et, dès que nous possédons une idée, digne de ce nom, nous avons en même temps l’idée de l’être. Maintenant, cette apparition d’une qualité nouvelle venant transformer radicalement la réalité sensible demeure inexplicable et .on ne peut que la constater. Il en est ainsi de tous les événements psychologiques. Explique-t-on davantage pourquoi les excitations du nerf optique produisent des sensations lumineuses, étendues et colorées, et celles du nerf auditif des sensations sonores ? L’existence logique étant la forme de la conscience intellectuelle, son idée découle de la notion des objets quels qu’ils soient, et le moi n’est pas plus privilégié à cet égard que les éléments composant le monde extérieur. Tout ce qui est pensé démontre également la vérité de l’être. Il s’en suivrait que le cogito cartésien, bien qu’exprimant de la façon la plus frappante cette loi suprême de la pensée, ne devrait pas avoir la signification qu’on lui attribue généralement. On l’a considéré comme un enthymème le syllogisme.complet étant tout ce qui pense est ; je pense, donc je suis. Des aveux de Descartes lui-même il ressort que c’est, à peu de chose près, le sens que lui a donné son auteur. Le fait de penser implique et démontre l’existence du sujet pensant. « Pour penser, il faut être », dit-il, en réponse aux objections sur la pétition de principe que renferme le cogito et qui