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E. CHARTIER.COMMENTAIRE AUX FRAGMENTS DE J. LAGNEAU.

pure n’est donc autre chose qu’une hypothèse à laquelle nous sommes conduits lorsque nous réfléchissons sur la perception ; c’est le symbole d’une nécessité extérieure à nous, qu’il nous faut subir, et qu’au fond nous voulons subir, car il n’y a plaisir et douleur concevable que s’il y a préférence et libre acceptation ; voilà en bref où peut conduire l’analyse des perceptions les plus simples ; et toutes étaient successivement examinées au même point de vue. Mais ce n’est rien encore ; l’idée de l’objet réel, affirmé comme cause unique de perceptions multiples et variables, est une idée métaphysique ; c’est l’idée même de l’être, un malgré tout, et c’est l’idée du vrai, laquelle implique elle-même l’idée d’un accord possible des pensées et par là nous ramène au sentiment réfléchi de la dépendance de notre pensée par rapport à la Pensée. La perception nous conduit ainsi à découvrir en nous une vie pensante qui nous dépasse, qui nous dirige. L’idée de l’objet repose sur des jugements ; ces jugements impliquent un pressentiment de l’être, c’est-à-dire une science infinie ; et la Pensée imparfaite ne se représente autour d’elle la prison d’un monde extérieur que parce qu’elle se sent liée à la Nature absolue de la Pensée, ou si l’on veut à la Pensée du tout, à la Pensée totale. Voilà où conduit l’analyse de la connaissance des choses. Si l’on veut bien y réfléchir, on verra que cette formule n’est nullement vague ni abstraite, qu’elle n’est que le résumé exact et précis d’une analyse pénétrante, qui dépasse les abstractions qu’on appelle formes, qualités, sensations, et nous met en présence de la vie concrète et universelle. À vrai dire une telle idée n’apparaîtra clairement qu’à ceux qui auront fait eux-mêmes tout le travail d’analyse que nous venons de résumer à grands traits. Ce que nous avons dit peut pourtant n’être pas inutile ; rien n’est plus méconnu à notre époque que la nécessité de ne jamais séparer un système métaphysique de l’analyse laborieuse et méticuleuse des faits.

À l’appui de ce qui vient d’être dit, nous reproduisons aussi exactement qu’on le peut d’après des notes et des souvenirs, quelques analyses qui donneront au lecteur une idée de ce qu’était le cours de Jules Lagneau.