Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 2, 1920.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sion étrangère, s’il l’est aussi forcément, à l’intérieur, de la justice et de la défense des individus contre la violence ou les empiétements de l’intérêt. Pourquoi ne le serait-il pas d’une action positive commune ? Qu’est-ce idéalement qu’une nation sinon une vaste coopération en vue des fins communes ? Coopération sans doute, avant tout, pour le maintien de l’existence même de la nation, pourquoi ne le serait-elle pas aussi pour ses progrès dans tous les domaines de la civilisation ?

Mais si vous considérez les causes qui entravent cette coopération, vous n’en trouverez guère d’autre au fond que cette insuffisance du sentiment social, cet individualisme de la conscience, qui même si elle est droite et désintéressée, reste trop indifférente au bien collectif et au rendement de la machine sociale. Comment y a-t-il des personnes qui puissent espérer un bénéfice quelconque d’une organisation socialiste dans l’ordre de la production, tant que le sens de la coopération sociale ne sera pas préparé à l’animer ? Le « socialisme intérieur ». comme je l’écrivais dès 1897, doit précéder le socialisme extérieur qui sans cela ne peut donner que déceptions. Allons-nous pourtant renoncer aux avantages évidents d’une action commune et de la coopération, parce que nous n’aurons pas eu le courage de nous forger une âme de coopérateurs et de devenir capables de remplir notre fonction comme un bon employé qui a compris que la prospérité de sa maison est la meilleure garantie de sa propre situation ?

Il serait vain d’espérer le salut des seules institutions extérieures quelles qu’elles soient, elles ne vaudront jamais que par les hommes, et plus elles seraient neuves et hardies, plus l’expérience qu’on en ferait dépendrait de la conscience des hommes qui les mettraient en œuvre.

Ainsi nous ne pouvons espérer de la société ni plus de justice ni plus d’avantages que si nous donnons plus de vie et de force à la conscience, et nous ne pouvons espérer cette régénération même de la conscience qu’en lui donnant enfin cet « aliment complet », en tout cas substantiel, que sont les fins de la vie collective. Ce qu’il s’agit d’obtenir, ce n’est pas seulement un progrès dans ce qu’elle a été jusqu’ici c’est, au sens précis du mot, une conversion qui la tourne du dedans au dehors.

Il y a une vingtaine d’années le coryphée de l’individualisme, H. Spencer, écrivait dans un de ses derniers livres : « C’est en poursuivant spontanément ses fins propres que l’homme remplira inci-