Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1912.djvu/6

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citement donnés par Karl Marx aux révolutionnaires de son temps. Il est très exact de dire que, suivant Marx, le jour de la révolution communiste n’est pas encore venu ; il n’est pas moins vrai, qu’en attendant, et pour hâter ce jour, Marx conseille aux communistes de prendre une part active à tous les mouvements révolutionnaires, même inspirés par un faux idéal socialiste, même bourgeois. Nous craignons aussi que la définition du matérialisme historique proposée par M. G. Sorel soit bien tempérée et bien neutre. « Ne jamais raisonner sur le droit, les institutions politiques, les idéologies de l’art, de la religion ou de la philosophie, sans se représenter, dans toute sa réalité, la vie économique du peuple considéré, avec la division historique en classes, avec le développement des procédés techniques, et avec les conditions naturelles de la productivité » (p. xxxvii) : cela suffit-il pour appliquer la méthode marxiste ? Ou bien, entre la « vie économique » et l’ensemble des institutions, il y a rapport de cause à effet ; ou bien ce n’est plus la peine de parler de « philosophie économique de l’histoire » : le « matérialisme historique » issu de l’ « historisme » économique, s’absorbe de nouveau dans l’ « historisme » pur et simple.

Émile Durkheim. Choix de textes avec étude du système sociologique, par Georges Davy, agrégé de philosophie. 1 vol. illustré de 220 p., Paris, Louis Michaud, s. d. — L’intérêt de plus en plus grand que le public scientifique manifeste à l’école sociologique française, les discussions que son activité suscite, et aussi les malentendus courants notamment en ce qui concerne le rapport de la sociologie à la philosophie et à la morale, rendent ce petit livre particulièrement, utile et opportun. On y trouvera, avec une étude d’ensemble dense, complète et fort intelligente sur l’œuvre de M. Durkheim, un choix excellent de textes rangés sous les cinq rubriques : la méthode sociologique, sociologie juridique et morale, sociologie religieuse, théorie sociologique de la connaissance, conséquences pratiques de la sociologie (des remèdes au progrès du suicide — quelques remarques sur les groupements professionnels) : les grandes directions de la pensée de M. Durkheim sont mises en relief, ainsi que les principales applications concrètes, soit à des problèmes scientifiques particuliers, tels que la division du travail, le crime et la peine, le suicide, la prohibition de l’inceste, soit à des questions pratiques spéciales : la fécondité des idées dominantes en apparaît d’autant plus nettement. M. Davy a eu la bonne idée de joindre, aux extraits des grands ouvrages de son auteur, des pages très suggestives empruntées à l’Année Sociologique, au Bulletin de la Société de Philosophie, et l’important article publié dans la Revue de Métaphysique de 1909 sur le problème de la connaissance : il est parvenu, dans ce livre qui vient bien à son heure, à donner une image réduite, mais fidèle, d’une pensée aussi forte et aussi solide.

L’Humanisme au XVe siècle italien. Conférence prononcée à l’Université nouvelle de Bruxelles le 9 janvier 1911, par Paul Vuilliaud. 1 brochure de 31 p. in-18, Paris, Figuiere, 1911. — On trouvera dans cette conférence des indications intéressantes, malheureusement trop sommaires, sur la pensée des humanistes au xve siècle et surtout, sur les caractères du platonisme de Pléthon et de Ficin. M. Vuilliaud, en désaccord sur ces points avec beaucoup d’historiens, estime d’une part que les humanistes ont nettement su distinguer le platonisme original de la philosophie alexandrine et ont tenté de le retrouver dans sa pureté, de l’autre que leur pensée reste essentiellement chrétienne. Ce sont là des affirmations qui demanderaient d’amples développements.

La Poétique de Schiller, essai d’esthétique littéraire, par Victor Basch. 1 vol. in-8 de xxiv-352 p., Paris, F. Alcan, 1911. — M. Basch qui a longuement étudié l’esthétique de Kant, ne pouvait négliger celle de Schiller. Car ce poète « qui seul, parmi les grands disciples de Kant, non seulement a compris profondément le système du philosophe, mais a su le compléter et le développer comme il devait l’être logiquement, doit être considéré comme un esthéticien de métier ». Les résultats de ses recherches sont trop peu connus en France ; il contiennent pourtant un fonds de solides vérités. Il faudra les rapprocher des idées de Goethe et de Humboldt, le jour où l’on instituera une comparaison – qui nous manque — entre les doctrines du classicisme allemand et celles du classicisme français.

Toutefois M. Basch ne s’est pas encore occupé du Kallias ni des Lettres sur l’Éducation Esthétique. Il n’examine que la Poétique de Schiller, d’après le Traité sur la Poésie Naïve et Sentimentale. C’est de ce traité que dérivent toutes les tentatives faites pour définir la poésie romantique par opposition à la poésie classique ; sans lui « nous n’aurions pas eu les opuscules critiques de Frédéric Schlegel ; bien plus, nous n’aurions pas eu l’Esthétique de Hegel ». À restreindre son sujet,