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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 1.djvu/114

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ARCHIVES GÉOGRAPHIQUES.

cement de nouvelles disgrâces. Mon navire s’était brisé sur les récifs qui bordent les côtes du Japon par 35 degrés et demi de latitude, tandis que, par une erreur très-préjudiciable consignée dans toutes les cartes marines des voyageurs qui jusqu’alors avaient navigué dans ces parages, cette partie du Japon était placée par 33 degrés et demi. Enfin, par ce motif, ou plutôt parce que telle fut la volonté de Dieu, ce galion se perdit avec plus deux millions de marchandises. Depuis dix heures du soir qu’il toucha, jusqu’au lendemain, une demi-heure après le lever du soleil, tous ceux d’entre nous qui échappèrent à la mort restèrent suspendus aux agrès et aux cordes ; les plus intrépides s’attendaient à périr à chaque minute par la fureur des vagues qui nous enlevèrent cinquante hommes. Dieu jeta sur nous un regard de miséricorde, et permit que la plus grande partie de l’équipage se sauvât avec moi, les uns sur des planches, et les autres en s’accrochant à une portion de la poupe qui se conserva entière jusqu’à ce que la mer l’eût poussée à terre.

Cette plage nous était totalement inconnue, à cause de l’erreur des cartes marines que j’ai rapportée, et nous ignorions si nous étions sur un continent ou sur une île, les pilotes soutenant toujours que, d’après la latitude où nous nous trouvions, ce ne pouvait être le Japon. J’ordonnai à deux matelots de monter sur le débris de poupe dont j’ai parlé, et de tâcher de reconnaître le pays. Ils descendirent bientôt après tout joyeux en m’annonçant