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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 1.djvu/179

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VARIÉTÉS.

dans le canari voisin, la liqueur favorite qu’ils semblaient humer avec délices.

L’orateur expliqua dans un long discours, fort éloquent sans doute au jugement de ses auditeurs, les projets de M. Bl…, ses motifs, les avantages que la peuplade y pourrait trouver, et lorsqu’après des torrens de paroles, il crut lire sur tous les visages que l’assemblée était dans les dispositions les plus favorables à son client, il termina par une péroraison vigoureuse ce chef-d’œuvre remarquable d’improvisation parlementaire.

Enfin, il se tût, rechercha d’un coup d’œil le canari le plus grand qui se trouvât dans le Bentang (cour), et alla s’accroupir auprès, afin d’y puiser à son tour le délicieux nectar et d’en avaler double dose, ainsi qu’il en avait acquis aux yeux de tous, par son abondant verbiage, le privilége incontestable.

La délibération commença alors, les conversations s’établirent, les rasades devinrent plus fréquentes, et tout se disposa pour achever cette journée dans une complète ivresse. Quant à nous, avertis que la décision définitive de l’assemblée ne nous serait notifiée que le lendemain à midi, nous nous retirâmes.

Sur notre passage se rencontraient quelques femmes. Elles avaient toutes la tête entièrement rasée, et les plus coquettes avaient les bras ceints jusque vers le coude, de larges bracelets de cuivre ; des plaques du même métal, échancrées en cœur, étaient suspendues à leur cou, et venaient orner leur poitrine. Par une recherche que le goût européen n’admettrait pas avec la même faveur que celui des Feloups, la plupart avaient les dents limées en pointe aiguë, ce qui leur donnait une étrange physionomie ; un jupon exigu, formé tout au plus d’une demi-pagne de guinée bleue, était le seul vêtement qui voilât leur nudité. Une dégoutante saleté régnait, du reste, sur toute leur personne.