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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

Des milliers de canards étaient immobiles sur la grève ; mais nos fusils, imbibés d’eau, ne purent jamais faire feu. Cette espèce que les Anglais nomment race-horse, ou cheval de course, a des ailes trop petites pour pouvoir voler : aussi ne s’éloigne-t-elle pas de la mer, qui est son élément naturel, bien qu’elle sache courir sur le sable avec une grande rapidité.

Il nous fallut rétrograder pour trouver un abri contre le déluge qui nous inondait. J’étais chargé pour ma part de divers oiseaux destinés à nos collections, et d’échantillons de roches dont le poids ne contribuait pas peu à m’accabler. Il me fallut jeter ce résultat de notre pénible course pour alléger ma marche ; et qui sait si, en Europe, quelque savant assis dans un fauteuil à bras, la tête enveloppée de fourrures, les pieds étendus près d’un feu vif et bien nourri, n’eût pas critiqué le choix et la préparation de ces objets ? Enfin nous rejoignîmes notre baleinière. Les rameurs avaient dressé une tente avec la voile de l’embarcation, et nous nous empressâmes de gagner ce réduit protecteur. Nous étions aux Malouines pendant l’été, et cependant un froid piquant se faisait sentir ; l’eau avait macéré nos corps, et la faim nous aiguillonnait. Sur le soir, la pluie cessa un instant ; alors nos marins firent de grands feux avec les bruyères, et les disposèrent en un cercle au milieu duquel nous nous plaçâmes. La fumée qui s’échappait de ces broussailles humides, tout en nous boucanant, nous séchait, et, pendant ce temps, un des nôtres