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DOCUMENS OFFICIELS.

les concessions de pouvoir, les alliances de parti, rien n’a pu les soustraire à cette commune destinée.

Ce rapprochement seul, si fertile en réflexions, suffirait pour assigner à la presse son véritable, son invariable caractère. Elle s’applique, par des efforts soutenus, persévérans, répétés chaque jour, à relâcher tous les liens d’obéissance et de subordination, à user les ressorts de l’autorité publique, à la rabaisser, à l’avilir dans l’opinion des peuples et à lui créer partout des embarras et des résistances.

Son art consiste, non pas à substituer à une trop facile soumission d’esprit une sage liberté d’examen, mais à réduire en problème les vérités les plus positives ; non pas à provoquer sur les questions politiques une controverse franche et utile, mais à les présenter sous un faux jour et à les résoudre par des sophismes.

La presse a jeté ainsi le désordre dans les intelligences les plus droites, ébranlé les convictions les plus fermes, et produit au milieu de la société une confusion de principes qui se prête aux tentatives les plus funestes. C’est par l’anarchie dans les doctrines qu’elle prélude à l’anarchie dans l’état.

Il est digne de remarque, Sire, que la presse périodique n’a pas même rempli sa plus essentielle condition, celle de la publicité. Ce qui est étrange, mais ce qui est vrai à dire, c’est qu’il n’y a pas de publicité en France, en prenant ce mot dans sa juste et rigoureuse acception. Dans l’état des choses, les faits, quand ils ne sont pas entièrement supposés, ne parviennent à la connaissance de plusieurs millions de lecteurs que tronqués, défigurés, mutilés de la manière la plus odieuse. Un épais nuage, élevé par les journaux, dérobe la vérité et intercepte en quelque sorte la lumière entre le gouvernement et les peuples. Les rois vos prédécesseurs, Sire, ont toujours aimé à se communiquer à leurs sujets : c’est une satisfaction dont la presse n’a pas voulu que V. M. pût jouir.

Une licence qui a franchi toutes les bornes n’a respecté, en effet, même dans les occasions les plus solennelles, ni les volontés expresses du roi, ni les paroles descendues du haut du trône. Les unes ont été méconnues et dénaturées ; les autres ont été l’objet de perfides commentaires ou d’amères dérisions. C’est ainsi que le dernier acte de la puissance royale, la proclamation, a été discrédité dans le public, avant même d’être connu des électeurs.

Ce n’est pas tout. La presse ne tend pas moins qu’à subjuguer