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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 3.djvu/188

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VOYAGES.

par le capitaine, le navire ne pouvant être condamné comme français, le procès tira en longueur, les vivres manquèrent, et les noirs furent réduits à si petite ration que, lorsque plus tard on les débarqua, ils ressemblaient à des spectres ; ils étaient tellement affaiblis que plusieurs tombèrent en montant la côte pour se rendre au bureau où on les enregistrait, et ne purent se relever sans l’aide de leurs conducteurs. Une fois enregistrés, on donna une chemise à chaque homme, un mouchoir à chaque femme, on les ramena sur le bord de l’eau, on les embarqua dans deux grandes pirogues, et on les emmena je ne sais où. Spectateur désintéressé, voyageant pour connaître cette partie de la côte d’Afrique avant de m’en retourner en France, je ne pouvais m’empêcher de maudire le gouvernement inhumain qui tolère de pareilles horreurs et qui les couvre du masque de la philanthropie. Si, au lieu de tenir les nègres à bord jusqu’à la condamnation du navire, on les parquait dans une cour où ils pussent marcher, si on les nourrissait de riz et de manioc, assaisonnés simplement de sel, la dépense que cela occasionnerait diminuerait bien faiblement la prime, et le but de l’humanité serait atteint ; dans le cas que je cite, vingt jours de mer ne les avaient pas assez affaiblis pour qu’on ne pût espérer de les conserver tous, sauf les chances ordinaires de mortalité. On ne peut pas dire que le gouvernement anglais ignore ces circonstances. Étranger et faisant un court séjour, j’ai vu ce que je rapporte ; comment les