Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
322
VOYAGES.

temps la tête, et chantant du haut de ce perchoir. Les ciseaux ou les pincettes les avaient débarrassés de toutes les excroissances inutiles, telles que la crête et les plumes sur le cou et la queue. Ces parties avaient pendant long-temps été frottées d’arguadente (eau-de-vie ou esprit de vin), et étaient d’une couleur de sang. Deux combattans furent présentés dans l’arène, l’un par un riche planteur vendant plus de deux mille boucauts de sucre par an. Je vis les doublons (ou onces d’or, comme ils les appellent) couler par poignées de plusieurs mains. On permit d’abord à un coq de becqueter l’autre, pour les animer au combat ; les coups étant rendus avec fureur, on les lança dans l’arène, où la lutte à mort devait commencer. Ils furent bientôt tous deux couverts de sang, et il y en eut beaucoup de répandu sur l’arène : l’un des coqs avait la poitrine percée par l’éperon de son adversaire, la blessure me paraissait devoir être mortelle ; mais il fallait qu’il expirât sur place. On suspendit un moment l’affaire pour ranimer les combattans, en frottant leurs plaies avec de l’eau-de-vie et en leur en faisant avaler ; ensuite on les lança de nouveau l’un contre l’autre pour la victoire ou la mort. Nous en avions assez vu, nous nous retirâmes en proie à mille réflexions mélancoliques.

» C’est pour moi un grand sujet d’étonnement que nulle entrave ne soit opposée à un divertissement aussi barbare, ainsi qu’à des jeux de hasard tenus aussi ouvertement : ils sont au contraire