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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/358

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VOYAGES.

le pas timide et silencieux de la jeune esclave lorsqu’elle entre dans la maison, le ton humble et soumis avec lequel elle s’acquitte d’un message, et cet air d’apathie où semble éteinte l’ardeur de la jeunesse. Lorsque j’ai contemplé ces yeux noirs et ternes, nés pour lancer des regards de feu ; ces membres mous et nonchalans, nés pour bondir de joie, je n’ai pu m’empêcher de sentir que cet être était courbé sous le joug, et que ses facultés, que la liberté aurait mises en jeu, étaient anéanties par la dureté de son sort.

» Un jour, en voyage, je m’arrêtai à la porte d’un planteur, et je remerciai une jeune esclave d’un léger service qu’elle m’avait rendu. Elle se tourna vers sa compagne d’un air qui exprimait plus que de la surprise, et toutes deux éclatèrent de rire sans pouvoir se retenir. Mais leur rire était pour moi sans gaîté : il annonçait un état où le refus d’obéir aurait pu être suivi d’un châtiment corporel, et où les remercîmens étaient un langage inconnu. Ces traits sont caractéristiques de l’esclavage, et frappent un Anglais par leur contraste avec les manières respectueuses, mais aisées, des domestiques de son pays.

» Les partisans de ce système, avec cette sécheresse de sentiment commune dans les contrées où règne l’esclavage, et qui calcule froidement la valeur d’un être humain, allèguent que l’esclave est bien nourri, afin qu’il puisse bien travailler ; qu’il est traité avec douceur, parce qu’il est de l’intérêt de son maître de le maintenir en santé, et qu’on