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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/404

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LITTÉRATURE.

— Mais c’est donc un avocat ?… dis-je en faisant un léger haut-le-corps.

— Oui, dit-elle. Puis, confuse de cet humiliant aveu, elle alla reprendre sa place au pharaon.

Toutes les parties étaient complètes. Or je n’avais rien à faire ni à dire, car je venais de perdre deux mille écus contre M. de Laval, avec lequel je m’étais rencontré chez une impure. J’allai me jeter dans une duchesse placée auprès de la cheminée. S’il y eut jamais sur cette terre un homme bien étonné, ce fut certes moi, en apercevant que, de l’autre côté du chambranle, j’avais pour vis-à-vis le contrôleur-général. M. de Calonne paraissait assoupi et livré à toutes les jouissances négatives de la digestion. Quand je le montrai par un geste à Beaumarchais qui venait à moi, le père de Figaro, ou Figaro lui-même, m’expliqua ce mystère sans mot dire.

Il m’indiqua tour à tour ma propre tête et celle de Bodard par un geste assez malicieux qui consistait à écarter vers nous deux doigts de la main en tenant les autres fermés. Mon premier mouvement fut de me lever pour aller dire quelque chose de piquant à Calonne, mais je restai : d’abord, parce que je songeai à jouer un tour à ce favori, et ensuite, Beaumarchais m’avait un peu trop familièrement arrêté de la main ; puis, clignant des yeux pour m’indiquer le contrôleur, il m’avait dit en murmurant :

— Ne le réveillez pas… l’on est trop heureux quand il dort,

— Mais c’est aussi un plan de finances que le sommeil !… repris-je.

— Certainement ! nous répondit l’homme d’état qui avait deviné nos paroles au seul mouvement des lèvres.

— Monseigneur, dit le dramaturge, j’ai un remercîment à vous faire

— Et pourquoi ?…

— M. de Mirabeau est parti pour Berlin. Je ne sais pas si dans cette affaire des eaux, nous ne nous serions pas noyés tous deux.

— Vous avez trop de mémoire et pas assez de reconnais-