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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/60

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VOYAGES.

La nature, active dans ces climats, a doué leurs habitans des passions les plus violentes ; la jalousie surtout est chez eux un foyer toujours ardent qui laisse souvent échapper des flammes dévorantes que rien ne peut réprimer. De fréquens exemples ont rendu cette vérité incontestable, et le trait suivant, arrivé à Batavia, où l’on m’en a garanti l’authenticité, pourra en donner une idée exacte.

Un jeune Malais élevé par un Européen, et devenu depuis son domestique affidé, avait donné en plusieurs circonstances les marques les moins douteuses d’un attachement sans bornes pour son bienfaiteur et son maître. Celui-ci devint amoureux d’une de ses esclaves que son fidèle domestique aimait éperdument, et qu’il avait même épousée suivant la loi de son prophète. Le soupçonneux Malais épia les démarches de son maître, et ne tarda pas à découvrir qu’il avait tout obtenu de la jeune esclave. Dès qu’il ne douta plus de son malheur, il ne respira plus que pour satisfaire une vengeance complète. Il sut tellement contenir les transports de la jalousie et de la rage qui le dévoraient, que les imprudens amans continuèrent leur liaison dans une sécurité parfaite. Plusieurs mois s’étaient écoulés ainsi, sans que le vindicatif Malais trouvât une occasion favorable pour mettre à exécution son funeste projet, lorsque son maître le prévint un jour qu’il se proposait d’aller le lendemain à la chasse dans les forêts voisines, et qu’il désirait qu’il l’accompagnât.