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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/453

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ARTHUR ET MARIE.

— La jeune fille soupira, en le regardant avec un air de compassion touchant et sincère.

— Mais il fallait voir quels yeux !… et comme les soupirs allaient bien à cette gorge de vierge !

— « Marie, j’avais beaucoup d’argent, beaucoup ; les chevaux, les chiens, la table et les femmes m’en ont absorbé une furieuse quantité… »

— La jeune fille sourit avec indifférence… en levant ses jolies épaules rondes…

— « Marie, il me reste, je crois, trois cents et quelques mille francs ; vous avez dix-neuf ans, des émotions toutes fraîches à satisfaire ; la vie est neuve pour vous ; le luxe, les plaisirs, le tourbillon enivrant d’une grande ville, vous sont inconnus… et par conséquent doivent vous faire grande envie. Pour répondre à tous ces besoins, j’ai peu d’argent et beaucoup de défauts ; mais enfin voulez-vous de moi ? »

La jeune fille lui ferma la bouche avec sa main mignonne et potelée.

— Le comte de *** l’épousa donc ;

— De quoi ses amis rirent beaucoup.

— Sa femme, jusqu’alors froide et réservée, se livra à tout le délire d’une première passion ; brune, jeune, ardente, elle sympathisa vite avec l’âme brûlante, le caractère fougueux de son mari.

Chose étrange ! la possession n’affaiblit pas leur ivresse, et les plaisirs du jour naissaient des souvenirs de la veille.

On l’a dit : quoique le patrimoine du comte eût singulièrement maigri, il avait encore une honnête rotondité de cent mille écus au moment du mariage.

Mais comme avant tout le comte adorait son idole, son dieu, sa Marie, son dieu resplendissait de pierreries, ne foulait que le satin et le cachemire, et n’aventurait jamais ses petits pieds sur le pavé des rues ou la poussière des promenades.