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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/68

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VOYAGES.

située au pied d’une très-haute montagne ; elle nous parut entourée de pâturages fertiles, et dans une situation très-pittoresque. C’était là que les Grecs avaient tenté leur malencontreuse expédition de l’Eubée ; les hautes murailles dont la ville est entourée, son assiette favorable à la défense, et la résistance courageuse des Turcs avaient fait complètement échouer cette équipée.

Une seconde bordée nous ramena sur le cap d’Andros, île célèbre dans les temps anciens par sa fontaine de vin, et le culte qu’elle avait voué à Bacchus ; plus célèbre encore dans les temps modernes par la rudesse de ses habitans et le culte qu’ils ont voué à la piraterie. Rien n’égale la stupidité de ces barbares : comme des vautours avides, tombant sur une proie où tous les produits de l’industrie européenne se trouvaient réunis, ils confondaient, dit-on, de la manière la plus plaisante, la destination des objets livrés au pillage. Les tablettes de chocolat devenaient pour eux des pierres à repasser les rasoirs. Ils prenaient les bouteilles de champagne pour des provisions de guerre, et n’osaient braver leur explosion. Dans les belles pièces de draps qu’ils se partageaient, ils se disputaient surtout la lisière dorée, et rien n’était plus ordinaire que de voir un caravokiris[1] orgueilleusement vêtu d’une veste brillante sur laquelle on lisait empreinte l’adresse des maisons Ternaux, Bacot, Gerdret ou Jourdain-Ribouleau. Leur inexpérience leur coûtait cher quelquefois. Un jour quelques-uns d’entre eux s’étant emparés d’une provision d’huile de ricin pour la pharmacie pensèrent qu’elle était destinée à être employée comme comestible, et s’avisèrent d’en assaisonner une sa-

  1. Capitaine de barque.