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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/125

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REVUE. — CHRONIQUE.

Les honneurs de cette discussion ont été, je le répète, pour M. Odilon Barrot ; nous le connaissions depuis long-temps comme orateur ; il s’est montré homme politique. Si les débris du tiers-parti veulent avoir un avenir, voilà maintenant un drapeau tout trouvé. Des concessions mutuelles ont été faites ; il est temps que la chambre cesse de se morceler en cet individualisme égoïste qui ne permet à aucune opinion de se produire grande et forte, en opposition au système ministériel ; puisque M. Dupin a perdu son rôle, il faut qu’un autre s’en saisisse ; puisqu’il a eu la maladresse de s’user sans toucher aux affaires, il faut bien qu’il se résigne à n’être plus qu’un auxiliaire d’une combinaison qui se formera en dehors de lui. Quel que soit le résultat du vote de la loi, le ministère n’en sortira pas sans de fortes secousses. La chambre a eu le spectacle d’un président du conseil qui ne peut dire mot sur une question capitale ; elle a vu un des ministres importans du cabinet, M. Guizot, traduit en pleine tribune en face de ses souvenirs de restauration, qualifié d’homme de Gand, sans pouvoir se défendre. S’il y a une victoire de boules, le coup au moins aura porté haut.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

M. de Talleyrand déclare partout que sa vie active et politique est finie, et qu’il ne peut plus rien que des conseils.

Depuis un an, les personnes de son intimité se sont aperçues d’un grand délabrement dans le système général de son organisation. Le vieux diplomate conserve encore toute la fraîcheur de ses idées, cette intelligence froide et pénétrante qui résume les questions par l’expérience, l’habitude des hommes et des affaires ; mais mille précautions sont maintenant nécessaires pour la conservation de sa santé. Ces habitudes de somnolence que M. de Talleyrand avait contractées dans ses visites, se sont augmentées : il dort non-seulement chez ses vieilles maîtresses, comme il le faisait autrefois, mais encore dans les conseils les plus sérieux, comme cela lui est arrivé tout dernièrement aux Tuileries. Décidément, le diplomate a déclaré qu’il ne voulait plus retourner à Londres ; la duchesse de Dino est dans de continuelles alarmes, les moindres syncopes peuvent devenir dangereuses à cet âge, et après une vie si agitée.

M. de Talleyrand avait eu un moment la pensée, à l’avènement du ministère tory, d’aller à Vienne. Il y a eu deux versions sur le but de ce voyage, et peut-être les deux motifs qu’on lui prêtait n’étaient-ils qu’un prétexte. Les uns disaient que c’était pour préparer une transmission successoriale dans sa famille, affaire toute privée ; et de là les partisans de la légitimité concluaient que M. de Talleyrand avait un dernier projet de sa vieillesse à mettre à exécution. D’autres, et sans doute ceux-là étaient mieux infor-