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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/237

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REVUE. — CHRONIQUE.

disposées à les soutenir. Si quelques gentilshommes ne repoussent point l’écharpe blanche que leur offre Henri iv, le peuple est profondément ligueur, et défend ses républiques d’hôtel-de-ville, aussi bien à Marseille qu’à Toulouse, aussi bien à Toulouse qu’à Rouen.

Et quelles sont les forces de Henri iv ? Des opinions désunies, hautaines, chacune avec ses exigences particulières. Au moment de la victoire, je l’ai souvent dit, ce qui importune le plus, ce sont les amis et non les ennemis ; car les uns sont insatiables de récompenses pour le service qu’ils vous ont rendu, et les autres, foulés à terre, ne peuvent plus vous nuire. À l’extérieur, comment justifier auprès d’Élisabeth et des princes protestans d’Allemagne, des Suisses et de Genève, la conversion de Henri iv ? et à l’intérieur, comment les huguenots pouvaient-ils appuyer et défendre un prince apostat ? Je ne parle point ici encore des royalistes de Biron qui avaient droit d’être impérieux, parce qu’ils offraient leur fidélité constante.

Quels sont les moyens qu’emploie Henri iv pour pacifier le royaume agité ? Avec une pénétration profonde, il voit d’abord que le parti catholique, c’est la société ; société vieillie si l’on veut, mais forte encore de sa constitution formidable, de ses élémens d’action et d’énergie populaire. Ce parti règne dans la majorité des provinces ; il est sous l’influence de chefs puissans, de grandes races qui naguère prétendaient à la couronne ; Henri iv n’hésite pas. Dans les temps de tourmente et d’effervescence publique, la corruption est un moyen impuissant, parce que l’âme vivement agitée s’exalte avec désintéressement pour le soutien d’une grande cause. Les époques sanglantes ne sont jamais des époques avilies ; on est trop occupé de sa vie et de ses passions pour songer à une position ambitieuse ; mais aux temps d’affaissement et de décadence, les marchés arrivent ; chacun advise à sa fortune. Le roi comprit cette situation des esprits ; et voilà pourquoi il acheta une à une les provinces et les consciences, les hautes têtes ligueuses et les grandes cités. Une fois le marché fait, Henri iv put compter sur la foi des gentilshommes qui s’étaient compromis.

La politique de l’avénement fut toute catholique ; il y eut quelques proscriptions commandées par les circonstances et le mouvement naturel de la restauration. Après l’attentat de Chatel, les fidèles de Henri iv voulurent épurer le parti ligueur ; les jésuites furent renvoyés, la prédication interdite ; cela n’eut qu’un terme. Un gouvernement a besoin de se fondre et de se mêler avec la société, s’il veut se maintenir, et ceci explique toutes les concessions que fit Henri iv au parti social, c’est-à-dire au catholicisme.