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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/259

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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

excellens et rares que l’étude fournit, composée d’après ces modèles, trouvée par Phidias, par Jean Goujon, et que l’admiration ne doit jamais déserter.

Grandeur dans la simplicité, chasteté dans la grâce, idéalité dans l’harmonie, tels sont les élémens inévitables et constans de la beauté vraie. Qu’il n’y ait pas de grandeur possible sans simplicité, c’est, je crois, ce qui est hors de doute. Les fragmens qui nous restent de l’Hyssus et du Thésée, et dont les marbres originaux sont à Londres, sont de force à convaincre les plus incrédules. L’artiste grec, entouré chaque jour de formes exquises, s’est résolu à la simplification des plans musculaires comme à la méthode la plus sûre pour atteindre la divinité. Une pratique laborieuse l’avait initié à toutes les ressources de la statuaire. Il savait ciseler avec la même souplesse et la même précision le paros, l’ébène, l’ivoire et l’or. Il aurait donc pu, s’il l’eût voulu, descendre jusqu’aux détails de la vie extérieure, et multiplier à profusion les plis de la peau, la saillie des veines, accuser toutes les contractions données par l’attitude choisie ; s’il ne l’a pas fait, c’est qu’il avait en lui-même une conviction arrêtée dès long-temps ; c’est qu’il plaçait dans la simplicité le secret de la vraie grandeur. L’unanime suffrage de la postérité s’est rangé à son avis. Les progrès postérieurs de l’art européen ont bien pu faciliter l’enseignement de la statuaire et les moyens d’exécution, mais n’ont jamais dépassé la grandeur de Phidias. Les perfectionnemens apportés à cette partie de l’invention ont mis au service de l’intelligence des procédés mécaniques d’une sûreté incontestable, imprévus au temps de Périclès ; personne encore ne s’est élevé au-dessus de ces ouvrages immortels.

Il n’est pas donné à l’homme de se figurer la divinité autrement que par la perfection des formes humaines. Mais, pour arriver à cette perfection, il ne suffit pas d’exagérer. On peut centupler inutilement les proportions de la réalité sans approcher de la vraie grandeur. Les dieux placés sur le fronton du temple grec sont d’une taille presque ordinaire. S’ils se levaient, s’ils marchaient parmi nous, c’est à peine s’ils nous domineraient de la tête ; et pourtant ils ont la grandeur divine. Pourquoi ? C’est qu’ils sont admirablement simples.