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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/274

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que ce qui empêchait l’oiseau de s’élever, c’était le manque de forces ; mais quelques personnes soupçonnèrent que cet épuisement était le résultat d’une mue qu’il avait subie avant de partir pour nos climats. Cette hypothèse, cependant, offrait une grande difficulté, car l’on ne concevait pas comment un oiseau déjà épuisé pouvait entreprendre un long voyage. Quelqu’un la résolut d’une manière tout-à-fait inattendue, en disant que le coucou faisait le trajet sur les épaules du milan, qui avait la complaisance de lui servir de monture. Je ne sais qui a imaginé le premier ce beau conte, mais le plus ancien auteur qui en parle est Isidore de Séville. C’est aussi à ce bon évêque que nous devons l’histoire des cigales qui naissent des crachats du coucou.

C’est une chose assez rare que de voir cracher un oiseau, et plus rare encore de voir naître des insectes de sa salive ; mais cela arrive par une permission toute spéciale de la Providence qui veut que l’ingratitude du coucou ne reste pas impunie. Il a étranglé sa mère nourricière, il sera poignardé à son tour par les êtres qui lui doivent l’existence : a filiis expecta ea quæ patri feceris. En effet, les cigales dont nous venons de parler ne sont pas plus tôt en état de se mouvoir, qu’elles s’attachent sous l’aile de l’oiseau, le percent de leur aiguillon, et le font mourir par leurs piqûres répétées.

Quelque ridicules que paraissent ces contes, il ne faut pas croire qu’on les ait inventés à plaisir ; chacun d’eux, au contraire, repose probablement sur quelque fait mal observé. Ainsi le coucou ressemble à l’épervier par le vol, par la longue queue, par la couleur générale du plumage, par celle des yeux et des pieds, par l’espèce de manchette qui retombe de la jambe sur le tarse. On aura vu un épervier accroché sur le dos d’un milan, animal qui, comme on le sait, est fort lâche et se laisse battre par des oiseaux d’une taille bien inférieure à la sienne, on aura cru que c’était un coucou qui courait la poste.

Quant au conte des cigales, il parait reposer sur une double erreur.

On aura pu voir quelquefois, sur des buissons autour desquels le coucou avait voltigé, une substance blanche mousseuse qu’on connaît sous les noms de crachat de grenouille, écume printanière, etc. On aura cru que c’était l’oiseau qui l’avait laissée. Au centre de cette