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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/319

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LETTRE POLITIQUE.

tenant les droits et la liberté du pavillon neutre ; par ce principe, elle favorisait ses transactions commerciales ; seulement un pavillon était substitué au sien ; les négocians ne souffraient pas ; les hostilités ne pouvaient les atteindre, car le droit de visite seul pouvait reconnaître et constater l’identité et l’origine réelle des marchandises et empêcher le commerce de l’ennemi.

L’Angleterre, au contraire, puissance essentiellement maritime, trouvait son intérêt à ne point respecter le pavillon neutre ; ses corsaires s’enrichissaient de mille prises : en déclarant la guerre à la France, elle faisait plus qu’un acte d’hostilité à son gouvernement ; elle éteignait la source de sa prospérité commerciale ; elle ébranlait son crédit ; elle attaquait son trésor ; enfin elle usait de l’un de ses plus grands moyens de guerre, et forçait à la paix une puissance supérieure en ressources. Ainsi, je le répète, ne faisons point de sentimentalité ni de déclamations à l’égard de la France et de la Grande-Bretagne ; pendant la guerre impériale, leurs rôles différens étaient dans la nécessité de leur situation.

Tous les gouvernemens admettent le droit de blocus, c’est-à-dire la défense pour les neutres d’apporter certaines marchandises désignées par les publicistes sous le nom de contrebande dans les ports ou pays assiégés par l’un des belligérans. C’est ici que commencent les devoirs des neutres, car eux aussi ont leurs devoirs tracés également par le droit des nations. Ainsi, il n’est point permis aux neutres d’avoir des matelots à bord des flottes d’une des puissances belligérantes, de transporter leurs marchandises ; ils ne peuvent braver le blocus, faire servir leur pavillon comme auxiliaire à l’une de ces puissances, et tout cela sous peine de confiscation. Si la mer leur est librement ouverte, ils ne peuvent seconder l’un des belligérans au détriment de l’autre ; s’ils transgressent cette loi, ils se font ennemis, leur navire est de bonne prise. Enfin un dernier devoir leur est imposé par les grands publicistes, c’est qu’ils doivent faire des concessions égales aux deux belligérans, et que s’ils souffrent de l’un des avanies, s’ils adhèrent à des conditions humiliantes et à des obligations particulières, l’autre belligérant est autorisé à faire subir les mêmes avanies et les mêmes obligations. Il est important de ne point oublier ce principe du droit des gens dans la question de l’Amérique.

Dans les temps ordinaires, le droit de blocus a des limites bien déterminées : il ne peut y avoir blocus que lorsqu’il est réel, c’est-à-dire, lorsque les forces respectives de l’une des puissances belligérantes assiègent et pressent une ville ou un point de territoire ; mais dans les désordres des grandes guerres, jamais ce principe n’a été régulièrement admis, et quand la révolution française éclata, il n’y eut plus de barrières ni de