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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/327

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LETTRE POLITIQUE.

tre puissance belligérante, c’était de forcer les Américains à prendre un parti. Jusqu’en 1811, l’Angleterre, qui espérait entraîner avec elle les États-Unis dans la grande guerre contre Napoléon, fit certaines réparations aux Américains ; et c’est à cette époque que se rapporte la négociation de M. Erskine, puis de M. Rose, et la négociation de M. Canning avec M. Pircquenay, un moment désavouée par le cabinet anglais. On arrêta « que l’acte prohibitif de toute relation commerciale entre les États-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne, la France et leurs dépendances, était révoqué quant à la Grande-Bretagne, attendu que l’honorable David Montagne Erskine, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de sa majesté britannique, avait, au nom de son gouvernement, déclaré que les ordres du conseil de janvier et novembre 1807 devaient être considérés comme nuls et non avenus quant à ce qui concernait les États-Unis. » Depuis, les intérêts de l’Amérique se modifièrent, le gouvernement anglais n’ayant pas exactement rempli ces conditions avec les États-Unis, ceux-ci se rapprochèrent de la France pendant la présidence de M. Addisson, et alors tout naturellement, le ministre américain à Paris dut parler des indemnités que son gouvernement pouvait exiger pour les calamités de la grande guerre.

Dans les négociations diplomatiques, il faut bien distinguer ce qu’on appelle droit absolu, admis également à l’égard de l’ennemi et des neutres, d’avec les concessions qu’un gouvernement peut faire à un neutre pour l’entraîner dans son alliance. Napoléon avait intérêt d’avoir pour lui les états de l’Union ; c’était un auxiliaire formidable contre l’Angleterre ; il a pu reconnaître comme un droit ce qui n’était au fond qu’une concession faite à l’alliance ; il a pu dire : Puisque vous déclarez la guerre à l’Angleterre, ce que je vous refusais antérieurement, je vous le donne ; vos navires séquestrés, je vous les rends ; et pour ceux que le conseil des prises a saisis et confisqués irrévocablement, je vous donnerai une indemnité. Dans la marche des négociations, ces concessions sont d’usage. Quand un neutre veut vous seconder comme allié, on se montre facile, parce qu’il va devenir votre auxiliaire ; c’est une sorte de subside qu’on lui paie, une manière de reconnaître les forces qu’il vous prête. En négociant sur ce pied avec M. Barlow, pendant les périlleuses campagnes d’Allemagne, Napoléon faisait plutôt acte de politique qu’acte de justice. Ce n’était pas la première fois qu’il avait, en considération de l’amitié d’un neutre, agrandi des provinces, ou fourni des subsides.

Les bases de cette négociation avec M. Barlow furent curieuses et révélèrent encore l’esprit tout commercial des Américains et les immenses profits qu’ils avaient faits durant leur neutralité mercantile ; ils ne deman-