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le premier traité de la révolution de juillet. Je ne puis dire quel transport animait la cour à cette époque, toutes les fois que nous autres étrangers daignions vous reconnaître et traiter avec vous. Louis-Philippe et sa famille n’étaient préoccupés que de savoir quel accueil on ferait à leurs ambassades, quelle réception on ferait à leurs envoyés. Que de lettres autographes furent écrites ! et rien ne peut se comparer à la joie qu’on éprouva au château lorsque, le premier, un petit prince médiatisé voulut bien annoncer un deuil de famille à la nouvelle cour de France, et l’inviter à la vieille coutume de pleurer la parenté de race royale.

Le traité qui fut signé en 1831, pour le règlement des créances américaines, fut fait sous l’influence du roi et de M. de Lafayette, dans ce petit intérieur du château, presque en dehors des ministres à département. J’ai dit les causes royales et personnelles qui activèrent cette convention ; elle fut gardée quelque temps en portefeuille, puis ratifiée, et l’on attendit une bonne occasion pour présenter ce traité à la sanction des chambres.

Le roi avait assez de motifs de croire que ce projet de loi serait adopté : d’une part, l’opinion républicaine, représentée par M. de Lafayette, devait soutenir le projet et l’appuyer de son autorité populaire ; de l’autre, les poltrons commerciaux devaient craindre une rupture, et en développant devant eux les conséquences désastreuses qu’elle pouvait entraîner pour quelques ports et pour la ville de Lyon, on devait gagner leurs suffrages. Ce calcul était parfaitement fait ; mais on n’avait pas compté sur les petites trahisons du tiers-parti et sur les petites haines qu’inspirait, dans quelques fractions de la chambre, la personne de M. de Lafayette ; le tiers-parti, fort alors de quelque popularité qui lui restait encore, donna un coup d’épaule, et le projet fut rejeté. Nous en fûmes étonnés à Londres, et plus étonnés encore lorsqu’on vit le ministère rester à son poste ; la retraite de MM. de Broglie et Sébastiani ne nous parut pas suffisante, car la difficulté restait la même à l’égard des États-Unis.

Croyez-le bien, jamais le haut personnage qui fait en France une affaire intime de cette question des États-Unis, n’avait renoncé à reproduire le projet de loi. Sans doute le général Jackson est allé au-delà des instructions officieuses arrivées de Paris, mais j’ai presque la certitude qu’il lui a été écrit, non point de faire cet acte hostile qui a produit un si mauvais effet chez vous, mais de lancer quelques phrases significatives annonçant la ferme volonté de réclamer la créance de l’Union. Le général Jackson, militaire sans aucune de ces convenances de formes qui doivent présider à la politique, a jeté son discours, dure expression d’un système de guerre. Par-là, le général a voulu se concilier la banque, qui