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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/338

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REVUE DES DEUX MONDES.

il n’usera de sa force que pour votre avantage et non pour le sien ! Est-ce parce qu’il pourra tout sans avoir rien à craindre, qu’il ne voudra jamais que ce qui est juste et bien ? Est-ce parce qu’il aura plus de moyens que personne de satisfaire son ambition, qu’il sera dépourvu d’ambition ? Voilà ce que vous vous promettez, non d’un seul homme, mais de ses descendans, de génération en génération, pendant une durée indéfinie. Vous fondez la paix, la sécurité, la liberté publique sur l’espérance d’un prodige inoui, d’un miracle permanent. Il y a de quoi être tranquille. On peut choisir, mais point d’illusions ; elles n’enfantent que des maux et des regrets stériles. Vous plaît-il de dépendre d’un maître ? à la bonne heure ; établissez que le pouvoir parmi vous se transmettra héréditairement. Tenez-vous, au contraire, à la liberté ? gardez-vous d’engager l’avenir ; retenez soigneusement et votre droit et l’usage de votre droit ; ayez un mandataire éligible et responsable.

Mais ce que vous proposez, c’est la république. Eh ! certainement, la république : croyez-vous donc qu’aucun autre genre de gouvernement soit aujourd’hui possible en France, y puisse être autre chose, pendant sa pénible et courte existence, qu’une guerre civile organisée par la loi ? Voyez plutôt. Le développement de l’intelligence, de la notion du droit, du sentiment du juste, la division des propriétés, la diffusion des connaissances, ont produit un immense besoin d’égalité ; et l’égalité réalisée, qu’est-ce, sinon la liberté politique et civile ? Est-ce avec ces deux élémens désormais impérissables que vous construirez une monarchie ? Écoutez cependant. La république qui monte peu à peu sur l’horizon, la république devenue nécessaire et qui subsistera, ce ne sera point le règne d’une fraction du peuple imposant à la société ses opinions pour règle, ses volontés pour loi. Supposé qu’elle vînt à sortir du désordre présent, celle-ci ne serait, n’en doutez pas, qu’une catastrophe passagère. Rien de ce qui ne reposera pas sur les bases éternelles de l’ordre, sur le respect des droits d’autrui, des propriétés, de la conscience, sur l’égalité, en un mot, et la liberté véritable, n’aura de durée. En de si graves circonstances, on ne doit pas puérilement reporter dans l’avenir la mémoire d’un passé qui ne peut renaître. On vous effraie, pourquoi ? Parce qu’on a bon marché des gens effrayés. Rejetez toutes ces indignes craintes.