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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/432

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CHATTERTON
DE M. ALFRED DE VIGNY.

Dieu merci, je ne suis pas de ceux qui placent dans l’érudition la loi suprême de la poésie ; il ne m’arrivera jamais de contrôler, au nom d’une chronique oubliée, la libre fantaisie d’un inventeur : pourvu que la beauté humaine, la beauté de tous les temps, domine et supplée la beauté relative et locale, je fermerai volontiers les yeux sur l’ignorance ou l’omission. Je ne prêche pas le dédain de l’étude ; car la création divine, obscure à l’origine de toutes les genèses, est, dans le domaine poétique, une tentative insensée. Quoi qu’il fasse, le plus hardi génie a toujours besoin du souvenir personnel ou de la lecture attentive, pour imaginer dans les conditions de la vraisemblance ou de la vérité. Mais j’admire la crucifixion de Rembrandt, malgré les brandebourgs de Ponce-Pilate, comme le Coriolan de Shakspeare, comme le Britannicus de Racine, malgré l’évidente violation de la vérité romaine dans ces trois ouvrages immortels.

Je ne songerais donc pas à chicaner M. de Vigny sur la réalité de son Chatterton, si deux essais, déjà célèbres dans l’histoire lit-