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LE POÈME DE MYRZA.

semblait jaloux aussi de le regarder. Alors l’Esprit des eaux : — Quel est celui-ci ? et qui de nous l’a produit à l’insu des autres ? Si c’est de la terre qu’il est sorti, d’où vient que les vapeurs de mes rives n’en savent rien ? et où est le feu qui l’a fécondé ? Est-ce une plante, pour qu’il soit sans plumes et sans fourrure, et sans écaille ? Et si c’est une plante, d’où vient que je n’ai point arrosé son germe, d’où vient que l’air n’a pas aidé sa tige à s’élever, et son calice à se colorer ? Si c’est une créature, où est son créateur ? Si c’est un esprit, de quel droit vient-il s’établir dans notre empire ? et comment souffrons-nous qu’il s’y repose ? Enchaînons-le, et que la bouche des volcans se referme derrière lui, car il faut qu’il aille au fond de la terre, et qu’il n’en sorte plus.

L’Esprit de la terre répondit : Ceci est un corps, car le sommeil l’engourdit et le gouverne comme les animaux ; ce n’est pas une plante, car il respire et semble destiné au mouvement comme l’oiseau ou le quadrupède : cependant il n’a point d’ailes, et ne saurait voler ; il n’a pas les défenses du sanglier, ni les ongles du tigre pour combattre, ni même l’écaille de la tortue pour s’abriter. C’est un animal faible que le moindre de nos animaux pourrait empêcher de se reproduire et d’exister. Et puisque aucun de nous ne l’a créé, il faut que ce soit l’Éternel qui, par dérision, l’ait fait éclore, afin de nous surprendre et de nous effrayer ; mais il suffira du froid pour lui donner la mort.

— Ne nous en inquiétons point, dirent les autres, il est en notre pouvoir, éveillons-le, et voyons comme il marche, et comme il se nourrit. Puisqu’il n’a ni ailes, ni nageoires, ni arme d’aucune espèce, pour s’ouvrir un chemin et se construire une demeure, il ne saurait vivre dans aucun élément..

Et les quatre Esprits de révolte se mirent à railler et à mépriser l’œuvre du Dieu tout-puissant.

Alors cet être nouveau s’éveilla, et à leur grande surprise, il ne se mit ni à fuir, ni à ramper comme les serpens, ni à marcher comme les quadrupèdes ; il se dressa sur ses pieds, et sa tête se trouvant tournée vers le ciel, il éleva son regard, et les Esprits de révolte virent, dans sa prunelle, étinceler un feu divin. Quel est, dirent-ils, celui-ci, qui ne rampe, ni ne vole, et qui a un rayon du soleil dans les yeux ? Va-t-il monter vers le ciel comme une fumée ?