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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/489

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LE POÈME DE MYRZA.

corrompaient l’air, et engendraient trop de reptiles et d’insectes, à ouvrir des canaux, pour l’écoulement des lacs et des étangs, à rassembler en troupeaux les animaux trop nombreux sur certains points du globe, et à les conduire vers d’autres régions désertes, à distribuer de même la végétation selon les climats qui lui convenaient, car, avant l’homme, la matière livrée à sa vorace faculté de produire, s’épuisait sans cesse, et, renaissant de ses propres débris, offrait partout des ruines auprès des créations nouvelles. Cet homme, que les Esprits des terribles élémens avaient pris d’abord pour un souffle débile dans le corps d’une bête avortée, devint donc, sans autre magie et sans autre prestige que sa patience et son industrie, plus puissant que les élémens eux-mêmes. La terre fut bientôt un jardin si beau et si fécond, que les anges du ciel venaient s’y promener, et ne pouvant converser directement avec les hommes, parce que Dieu l’avait défendu, ils chantaient doucement dans les brises et dans les flots, et les hommes les voyaient alors en songe avec les yeux de l’ame.

Mais il arriva que la terre étant pacifiée et embellie, et l’ordre des saisons réglé, le travail devint moins actif. Les hommes eurent plus de temps à donner à la prière et à la méditation : leur nombre n’augmentait pas et ne diminuait pas ; il avait été calculé par l’Éternel, pour opérer les grands travaux, qui se terminaient maintenant, et l’esprit humain commençait à souffrir de sa propre force et à désirer quelque chose au-delà de ce qu’il possédait. Les hommes voulaient, pour faire cesser leur inquiétude, que Dieu leur accordât un don, mais ils ne savaient lequel, car ils ne souffraient que parce qu’ils ne manquaient plus de rien.

Leur sommeil devint moins paisible ; durant les belles nuits d’été, ils s’asseyaient par groupes sur les hauteurs, et au lieu de contempler avec bonheur, comme autrefois, le cours des astres et la beauté de la voûte céleste, ils soupiraient tristement, et dans leurs cantiques éplorés, ils demandaient à Dieu de faire cesser leur ennui.

Alors il y en eut qui dirent : « Les bêtes souffrent les maladies du corps, et elles meurent ; les hommes ne sont pas soumis aux maux de la chair, et ne meurent pas. Bénissons Dieu. Mais l’esprit de l’homme souffre une douleur dont il ne sait pas le remède. Deman-