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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/504

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ce penchant si vif pour le jeu, le chant, la danse et les plaisirs des sens ; de là cette gaieté qui, chez les habitans du midi, ne craint point l’atteinte des années, et cet air de jeunesse et de verdeur répandu même chez les vieillards. Ce sont de tels pays qu’on peut véritablement appeler la patrie de la musique, du chant et de la danse.

De toutes les contrées de l’Europe, c’est l’Italie qui, par sa position géographique comme par son climat, nous offre le peuple le plus naturellement organisé pour la musique ; on y rencontre les chants populaires en si grande quantité, et riches de mélodies si belles, qu’aucun autre pays ne lui saurait être comparé. En Italie, le sol est fertile, le ciel serein, les jours brûlans ; mais la nuit, ce temps des chansons, y est fraîche : aussi le chant y porte-t-il le cachet d’une tendre mélancolie, d’une imagination à la fois vive et rêveuse.

Cerné par les Alpes au nord, et sur les trois autres points par la mer, dépourvu de communications avec l’étranger, l’Italien, surtout le montagnard et l’habitant des côtes, conserve dans toute sa pureté, dans toute sa naïveté, le caractère que lui a imprimé la nature qui l’environne. On ne peut, en effet, rencontrer de chants vraiment populaires que là où cesse toute relation étrangère, que là où ne s’est faite encore aucune fusion avec la langue ni la musique d’un autre pays. C’est pourquoi les insulaires, les habitans des côtes et les montagnards, dont la vie est isolée et par conséquent uniforme, conservent si bien ces chants primitifs dans lesquels un peuple, soumis uniquement aux influences locales, exprime, par des paroles et des tons qu’il a lui-même inventés, ses émotions et son amour, ses douleurs et ses prières, les actions de ses pères et les révolutions de la nature.

Mais que le caractère primitif d’un peuple s’efface et disparaisse dans un contact journalier avec l’étranger, alors s’effacent et disparaissent aussi chez lui les véritables chants populaires, bientôt remplacés par des mélodies étrangères et par des chants qui, renfermés jusque-là dans l’enceinte des salons et des théâtres, descendent dès lors dans la rue. C’est pour cela que la Lombardie et les États-Vénitiens, Venise exceptée, sont moins riches en chants populaires que les montagnes Tiburtines, Sabines et Albanaises, que