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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/648

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REVUE DES DEUX MONDES.

soleil était couché, on parla de retourner à la ville ; la patache de Joseph se trouva prête devant la porte aussitôt qu’il l’eût demandée. — Prends mes sœurs et Geneviève, dit Joseph à André, et monte dans ma patache ; je me charge des grisettes et du char-à-bancs. Va, pars tout de suite ; car, si tu restes là, et que ton père ait de l’humeur, cela tombera sur toi, tandis qu’il n’osera pas me faire de difficultés. Va-t’en vite.

André ne se le fit pas répéter ; il offrit la main à ses compagnes de voyage, prit les rênes et disparut. Il était à cinq cents pas, que Joseph attendait encore le char-à-bancs sur le seuil de la maison. Il avait glissé quelque monnaie dans la main du garçon d’écurie en lui disant d’amener son équipage ; mais l’équipage n’arrivait pas ; le garçon d’écurie ne se montrait plus, et le marquis avait subitement disparu. Au bout d’un quart d’heure d’attente, Joseph prit le parti d’aller à l’écurie : elle était vide ; il cherche le char-à-bancs sous le hangar : le hangar était désert ; il appelle, personne ne lui répond. Il parcourt la ferme, et trouve enfin le garçon d’écurie qui semble accourir tout essoufflé, et qui lui répond avec toute la sincérité apparente d’un paysan astucieux : — Hélas ! mon bon monsieur, il n’y a ni char-à-bancs ni cheval ; le métayer est parti avec pour la foire de Saint-Denis, qui commence demain matin ; il ne savait pas qu’on en aurait besoin au château. M. le marquis lui avait dit hier de les prendre s’il en avait besoin… Qu’est-ce qui savait ? qu’est-ce qui pouvait prévoir… ?

— Mille diables ! s’écria Joseph ; il est parti ! et depuis quand ? est-il bien loin ?

— Oh ! monsieur, dit le garçon en souriant d’un air piteux, il y a plus de deux heures ! Il doit être à présent auprès de L……, s’il ne l’a point dépassé.

— Eh bien ! dit Joseph, c’est une histoire à mourir de rire ! Et il alla rejoindre les grisettes, sans s’affliger autrement d’un évènement qui devait les transporter de colère. Henriette jeta les hauts cris ; elle refusa de croire au départ du métayer ; elle maudit mille fois la malice du marquis ; elle le chercha dans toute la maison pour lui faire des reproches, pour lui demander s’il n’avait pas un autre cheval et une autre voiture ; le marquis fut introuvable. Le garçon d’écurie se lamenta d’un air désespérant sur ce fâcheux