Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/716

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
712
REVUE DES DEUX MONDES.

Les faits qui signalèrent les deux ministères de M. Lebeau sont trop connus pour que je les rapporte ici ; j’ajouterai seulement que sa disgrâce fut l’ouvrage des diplomates étrangers, qui le minèrent sourdement dans l’esprit du roi. Le peu de caractère et de présence d’esprit qu’il montra pendant les scènes de pillage des 6 et 7 avril, lui portèrent le dernier coup, et dès-lors des démarches furent faites à son insu pour le remplacer. On agit envers cet homme d’état comme avec un laquais que l’on veut congédier ; MM. Ernst et d’Huart avaient déjà accepté des portefeuilles, que M. Lebeau ignorait encore ce qu’on tramait contre lui.

Quelque antipathie que l’on ait pour le système de conduite politique suivi par M. Lebeau, il est impossible de ne pas rendre justice à son talent d’orateur, et au noble désintéressement qui l’a toujours distingué. M. Lebeau s’est retiré du ministère sans fortune ; pendant dix mois, il a refusé d’accepter, comme ministre, le traitement auquel il avait droit, se bornant aux 5,000 francs que lui rendait sa place de conseiller à la cour de Liége. Plus tard il se démit de cette même place, s’exposant à quitter le ministère sans pouvoir reprendre d’autres fonctions, le rang de conseiller ne pouvant se conférer directement par le roi. Le plus grand reproche qu’on puisse lui adresser, c’est d’avoir trop souvent obéi à un sentiment de vanité incompatible avec la circonspection dont un homme d’état ne doit jamais s’écarter. C’est ainsi que ces intempestives paroles de M. Lebeau : — Nous sauverons la Pologne et nous aurons le Luxembourg, lui attirèrent cette juste incrimination de M. Gendebien. — Vous n’avez pas sauvé la Pologne et nous n’avons pas le Luxembourg.

M. Lebeau est maintenant gouverneur de la province de Namur et membre de la chambre des représentans. Malgré les griefs qu’on lui suppose contre le gouvernement, il vote la plupart du temps avec le ministère, et forme avec MM. Nothomb, Devaux et Charles Rogier, un parti de juste-milieu monarchique entre les catholiques et les libéraux.

Un des plus beaux titres de M. Nothomb, c’est sa belle défense de M. Lebeau, devant la chambre, contre les accusations de M. Gendebien à propos des extraditions, où le jeune orateur, retraçant avec feu les services politiques de son ami, fit accueillir son