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UNE BONNE FORTUNE.

xix.

Ô toi, Père immortel, dont le fils s’est fait homme,
Si jamais ton jour vient, Dieu juste, ô Dieu vengeur !…
J’oublie à tout moment que je suis gentilhomme ;
Revenons à mon fait : tout chemin mène à Rome.
Ces pauvres paysans (pardonne-moi, lecteur),
Ces pauvres paysans, je les ai sur le cœur.

xx.

Me voici donc à Bade : et vous pensez, sans doute,
Puisque j’ai commencé par vous parler du jeu,
Que j’eus pour premier soin d’y perdre quelque peu.
Vous ne vous trompez pas, je vous en fais l’aveu.
De même que pour mettre une armée en déroute,
Il ne faut qu’un poltron qui lui montre la route ;

xxi.

De même, dans ma bourse, il ne faut qu’un écu
Qui tourne les talons, et le reste est perdu.
Tout ce que je possède a quelque ressemblance
Aux moutons de Panurge ; au premier qui commence,
Voilà Panurge à sec, et son troupeau tondu.
Hélas ! le premier pas se fait sans qu’on y pense.

xxii.

Ma poche est comme une île escarpée et sans bords ;
On n’y saurait rentrer quand on en est dehors
Au moindre fil cassé, l’écheveau se dévide :
Entraînement funeste, et d’autant plus perfide,
Que j’eus de tous les temps la sainte horreur du vide,
Et qu’après le combat je rêve à tous mes morts.