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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/92

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REVUE DES DEUX MONDES.

que soient les possesseurs de la rive gauche du Rhin, qu’il y aura toujours pour lui quelques bouteilles de ce vin auquel il va demander des inspirations avec une bonhomie fort aimable et une naïveté de bon goût.

Tutti Frutti, par l’auteur des Lettres d’un Mort (Prince Puckler-Muskau). 2 vol., Stuttgart.

Quant à celui-ci, vous le connaissez déjà. Il ne fait de politique au moins que pour son plaisir, et pour l’amusement des autres ; encore la fait-il fort courte et presque toujours indirecte. C’est un homme trop habitué à choisir dans les choses qu’il veut prendre au sérieux ; il n’aime pas agiter sa vie d’une manière maladroite. Nous avons tout lieu de croire qu’il en est trop satisfait. Prince par la naissance, ce qui aiderait encore, s’il en était besoin, sa fantaisie périodique d’être prince par l’esprit, il goûte la vie bonne, douce, confortable, la vie avec les émotions qui la font sentir, sans aller jusqu’à celles dont la violence relâche et affaiblit les facultés par une tension imprudente. C’est le Démocrite des princes et à la manière princière. Sa plaisanterie est toujours réservée et prévoyante, sauf avec quelques pauvres diables d’aubergistes ou de cicéroni dont il s’amuse à cœur-joie, sans doute parce qu’on ne dépend guère de chacun de ces gens-là qu’une fois en sa vie. Vis à vis de la Prusse, c’est autre chose. Le prince auteur est propriétaire en Lusace ; or, la Lusace, dit-il à un douanier, était autrefois en Saxe, elle est aujourd’hui en Silésie. — Vraiment ? — Oh ! mon Dieu, oui, un tremblement de terre l’a détachée, il y a quelques années, du premier de ces pays pour la jeter dans l’autre. » Il ne peut donc pas plaisanter avec la Prusse comme avec le reste du monde. L’administration provinciale prussienne est la très petite monnaie d’un Richelieu ; billon d’environ cent mille têtes. Elle fait consciencieusement de l’égalité à la turque au profit du gouvernement, qui n’aime pas les grandes et puissantes existences. On trouve toujours mille ressources pour empêcher les propriétaires terriens de s’enrichir, ressources dont la plus curieuse est une certaine caisse de secours à l’usage des propriétaires entreprenans qui ont besoin d’argent pour quelque spéculation hardie. L’argent leur est prêté de grand cœur ; mais, grâce à certaines combinaisons, l’emprunteur est souvent mis dans l’impossibilité de rendre. Alors, séquestre par l’administration, puis subhastation dans le moment le plus défavorable à la vente, moment qu’on attend long-temps pour enfler plus sûrement les sportules de la justice administrative. Un émigré français de beaucoup d’esprit, devenu baron de Frauendorf, lequel avait entrepris de doter d’établissemens industriels la