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CHANTS DE GUERRE DE LA SUISSE.


mise, comme sous le ciel de la Catalogne. Le lai[1] s’en va du pays de l’Armorique au pays de Souabe, des plaines de la Normandie aux côtes de la Provence.

Le fidler ambulant porte la fiction poétique de village en village ; le châtelain se la fait redire dans une de ses grandes salles, et le bourgeois l’apprend dans une de ses veillées. Nulle poésie n’a cueilli plus de fleurs le long de sa route. Elle a une lyre, où vibrent toutes les passions, où toutes les idées d’amour et de guerre, de liberté et de foi, ont leur corde d’argent ou leur corde d’airain. Les fées l’ont prise à son berceau, les sylphes l’ont entourée de leurs prestiges. Toute jeune elle a été recevoir le don des Péris. Elle s’est épanouie comme une belle plante au soleil d’Orient ; elle a connu le palais moresque avec ses soupirs d’amour, et les jardins de Grenade avec leurs parfums d’oranger. Toute jeune aussi, elle a rêvé ses plus beaux rêves chevaleresques ; Arthur et la table ronde ; Lancelot du Lac, avec sa belle Genèvre ; Charlemagne et le preux Roland ; le Saint-Graal et ses pieux mystères. Ouvrez-lui donc la lice ; c’est une héroïne qui a été sur le champ de bataille avec Bernard del Carpio ou Cid le Campeador. Donnez-lui une

    trobador ne s’occupait ni de la rime ni des syllabes longues ou brèves. Il lui suffisait de former des lignes de six, sept ou huit syllabes. Si, par hasard, la rime se trouvait au bout, tant mieux ; sinon, il ne s’en inquiétait guère. Ces vers, ainsi appondus l’un après l’autre, il cherchait à en former des strophes, et si leur phrase n’était pas close à la fin d’une strophe, ils la continuaient tranquillement, en sorte, dit Encina, que tout l’art du troubadour consistait à savoir faire les pieds des vers, pour mesurer ensuite et former les strophes. G. B. Depping. Sammlung der besten alt. span. Romanzen. Introd. p. xiii.

    Warton dit que les poètes provençaux écrivaient dans une langue également intelligible aux savans et au peuple. (They introduced a love of reading and diffused a general and popular taste for poetry, by writing in a langage intelligible to the ladies and the people). The H. of english poetry, tom. i, pag. 151.

    Herder prétend que les minnesinger peuvent être regardés comme poètes populaires. Volkslieder, 2 vol. Introd. p. 19.

    Rosenkranz et Wendt disent que notre poésie a commencé par être populaire. Voy. Handhuch einer allg. Gesch. der Poesie, par Rosenkranz, tom. iii, p. 1. Ueber die Hauptperioden der schoenen kunste, par Amédée Wendt, p. 158.

  1. Le lai a parcouru toute l’Europe. Du moins ce nom se retrouve dans la plupart des états du nord et du midi : en allemand, lied ; en islandais, liod ; en anglo-saxon ; leod ; en irlandais, lai ; en dialecte suisse, liedli, et dans le latin barbare des premiers siècles du moyen-âge on le désignait sous le nom de leudus. La chronique de Limbourg rapporte qu’au xive siècle la société des flagellans allemands chantaient en faisant leurs pénitences publiques des chants appelés layse