Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
REVUE. — CHRONIQUE.

proposait de rétablir la nationalité polonaise, sous la condition que le gendre du roi Louis-Philippe serait renvoyé en Angleterre, et le royaume de Belgique rendu au roi Guillaume ? Loin de nous la pensée de légitimer l’odieuse oppression qui pèse sur la Pologne ; mais enfin l’équilibre établi par le congrès de Vienne, se trouve rompu sur l’Escaut comme sur la Vistule, et si on veut le rétablir, on doit y travailler sur ces deux points. Ce qu’il faut conclure de tout ceci, c’est que ce n’est pas au nom des traités oppressifs de 1815, au nom de l’invasion de la France, au nom d’un congrès qui nous a dépouillés et ruinés, qui a élevé contre nous trois lignes de forteresses, qu’un gouvernement tel que le gouvernement de juillet doit exiger la délivrance des peuples. Et puisqu’on demande le rétablissement de la nationalité polonaise sans espoir de l’obtenir (on l’a dit hautement), autant valait le demander au nom des vieux traités qui unirent de tout temps la France à la Pologne, au nom du sang versé par la Pologne pour la France, et au nom de ces droits de peuple à peuple et de prince à prince, qui ont permis à l’empereur Alexandre, et qui permettent encore chaque jour à l’empereur Nicolas de s’immiscer dans notre politique intérieure. Cette démarche eût été plus haute, plus franche, plus digne d’une grande nation, et nous osons dire qu’elle eût produit plus d’impression sur l’esprit de l’empereur Nicolas.

Nous avons annoncé, il y a quelque temps, que M. de Broglie se disposait à refuser l’émission de la troisième série de l’emprunt grec garanti par la France. Depuis, ce refus a été connu publiquement. C’est un acte de dignité bien entendue qu’il faut louer sans réserve. D’après les documens reçus d’Athènes, le gouvernement grec a dévoré, en deux années et demie, des subsides qui, joints à ses revenus, devaient le défrayer pendant dix ans. Une partie de cet emprunt a été employée à solder des troupes bavaroises, l’autre à entretenir la cour bavaroise du roi Othon, et à transporter en Bavière les monumens de la Grèce. La France, qui sert le gouvernement grec de son crédit, n’a pas même été consultée par le gouvernement grec, et aujourd’hui le roi de Bavière, à peine débarqué au Pirée, insulte publiquement l’ambassadeur d’une puissance alliée de la France ! À la vue du corps diplomatique où figurait le ministre espagnol, le roi s’est écrié, dit-on : Mais il me semble que la Bavière n’a pas reconnu l’Espagne ? Sentez-vous bien toute l’étendue de cette humiliation pour l’Espagne ! L’Espagne, cette grande monarchie composée de treize royaumes dont le moindre couvrirait tout le pauvre pays de Bavière, l’Espagne qui touche d’un côté à la France et de l’autre à l’Afrique, l’Espagne de Charles-Quint, de Philippe v, ces maîtres d’un état où le soleil ne se couchait jamais ; l’Es-