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SIMON.

nerie devant l’opinion publique ; et comme tous les gens sans vertus, toute l’affaire de sa vie après l’argent (et peut-être à cause de la considération dont il avait besoin pour s’enrichir), était de passer pour les avoir toutes. Il craignait beaucoup qu’on ne blâmât son mariage, et il sentait qu’il était facile à sa fille, soit par ses plaintes, soit par une affectation de silence et de retraite monastique, de se donner pour une victime de cette fantaisie. Il la supplia de venir à Paris avec lui, afin d’assister à son mariage et d’y fixer ensuite sa résidence dans le couvent qu’il lui plairait de choisir, mais non d’une manière absolue, car il désirait qu’elle reparut avec lui momentanément dans la province, afin qu’on ne les crût pas brouillés ensemble.

Tout cet arrangement se conciliait assez avec les projets de Fiamma. Elle consentit à tout, et son père la quitta enchanté d’elle, bénissant cette fois sa bizarrerie et lui baisant la main avec une grace tout italienne.

La nouvelle du mariage de M. de Fougères avec une riche veuve encore jeune se répandit bientôt. Le comte avait coupé ses ailes de pigeon, supprimé la poudre, les culottes courtes, et s’était, en un mot, adonisé. On s’aperçut alors qu’il n’était pas si vieux qu’on l’avait cru. Ses cheveux étaient encore bruns, sa tournure alerte, et l’on pouvait craindre pour sa fille l’arrivée de plusieurs héritiers dans la famille. Fiamma s’en réjouissait sincèrement. Parquet, tout en connaissant son indifférence pour la richesse, trouvait encore dans cette joie excessive quelque chose d’extraordinaire. Quant à Simon, une grande douleur était entrée dans son ame, et mille pressentimens sinistres lui rendirent effrayant ce départ de Fiamma ; elle annonçait cependant son retour pour le printemps suivant avec sa future belle-mère.

Mais peu à peu Simon comprit, à ses lettres, que le bonheur de sa présence était perdu pour lui. Quand il sut qu’elle était entrée dans un couvent, son désespoir augmenta. Il craignit, avec quelque apparence de raison, qu’elle ne s’y enfermât pour toujours ; elle avait passé l’âge où le grand air et l’exercice sont indispensables, et le couvent n’apporta guère d’autre modification à son genre de vie. Depuis long-temps il la voyait rarement et n’avait que des communications épistolaires avec elle. Mais les précieuses entrevues, et surtout ces longues lettres si bonnes, si philosophiques, si