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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

en quelques lieux même héréditaire[1]. Ainsi, cette disposition trop louée est bien plus favorable à l’intérêt du trône qu’à l’intérêt de la démocratie. En décomposant une à une toutes les parties du statut de l’octroi royal, on en démontrerait de même l’inanité et la déception.

Telle n’est point l’opinion de M. Martinez de la Rosa ; il se complaît, il s’exalte dans la contemplation de son œuvre ; le statut est pour lui une des conceptions gigantesques et définitives qui font époque dans l’histoire des nations, et après lesquelles l’humanité n’a plus qu’à se croiser les bras et à s’endormir dans son repos. C’est la pierre philosophale de la science du gouvernement, et il s’étonne que, possédant un si précieux trésor, l’Espagne ose aspirer à quelque chose de mieux. Il ne doute point d’avoir pris rang du coup parmi les grands législateurs de l’antiquité ; Lycurgue et Charondas, dieux déchus, s’inclinent devant lui ; il ne leur reste plus qu’à se voiler la face.

Encore faut-il tout dire : M. Martinez commet une usurpation en s’attribuant à lui tout seul la gloire du statut royal ; la gloire, s’il y en a, revient autant à ses collègues qu’à lui. Le projet fut discuté au conseil des ministres pendant plus de trente séances, et l’opinion du président ne triompha pas toujours. Quand on fut d’accord sur tous les points, il fut chargé de la rédaction ; son travail même fut modifié et soumis à trois ou quatre lectures préliminaires. Ainsi son rôle s’est presque borné à celui d’un simple commis-rédacteur. Seulement, comme M. Martinez de la Rosa a baptisé de son nom le ministère dont il était le chef, les actes de ce ministère retombent, et le statut royal avec tous les autres, sous sa responsabilité politique.

Tel qu’il est, et quoiqu’inférieur en tous points à la constitution de 1812, qui était loin pourtant d’être parfaite, le statut royal n’en a pas moins eu l’honneur de rompre le long silence imposé à l’Espagne par la tyrannie du parjure et de la violence. Une tribune s’est élevée ; des voix long-temps étouffées s’y sont fait entendre ; la car-

  1. Une loi provisoire, portée par M. de Toreno dans les derniers jours de son administration, fixe l’organisation des municipalités et abolit les charges héréditaires ; mais cette loi est postérieure de dix-huit mois à la promulgation du statut royal.