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acte doit être considéré, ce me semble, plutôt comme le signe du triomphe du parti populaire que comme le fruit de sa victoire.

La réforme n’a rien changé au nombre total des membres dont se compose la chambre des communes, mais elle l’a réparti d’une manière un peu différente entre les trois royaumes. Dans l’ancien ordre de choses, sur les 658 membres, l’Angleterre seule (y compris le pays de Galles) en nommait 513, l’Irlande 100, l’Écosse 45 ; aujourd’hui, l’Angleterre nomme 500 députés ; l’Irlande 105, l’Ecosse 53. Si on cherche le rapport de ces nombres à ceux de la population, dans les trois pays, on voit que l’Angleterre a un représentant pour 28,000 ames environ, l’Écosse 1 pour 38,000, l’Irlande 1 pour 76,000.

Considérés dans leur ensemble, des changemens qui laissent exister une pareille disproportion semblent bien loin de ce qu’on avait droit d’attendre ; mais si l’on entre dans les détails d’exécution, on voit qu’il était difficile de faire plus, sans s’exposer à tout bouleverser. Chaque pays considérait le droit, dont il avait joui jusque-là, de nommer un nombre déterminé de députés, comme une sorte de propriété qu’on pouvait, à la vérité, faire régir par quelques nouvelles conditions, mais dont on ne pouvait rien retrancher, à moins d’une urgente nécessité. D’ailleurs, le principe auquel il semble que la majorité aurait voulu se conformer, s’il lui avait été possible de tailler en plein drap, était de proportionner la représentation de chaque pays, bien moins au nombre total de ses habitans, qu’à son importance agricole, commerciale et industrielle ; cela est du moins évident pour la répartition entre les différens bourgs. En effet, quoique, dans le projet présenté en mars 1831, l’a population totale fût prise pour base des désaffranchissemens à opérer, dans le bill tel qu’il a passé, on a pris en considération, d’une part, le nombre des maisons de 10 livres sterling de revenu annuel, de l’autre, le montant des contributions directes. C’est sur cette double donnée que se basent les dispositions qui privent certains bourgs du droit dont ils jouissaient jusque-là, d’envoyer des membres au parlement, qui restreignent le nombre des députés que d’autres nommaient, et qui enfin accordent ce droit à de grandes villes manufacturières et commerciales et à d’autres localités populeuses qui n’en avaient pas joui jusque-là.

Le droit de voter dans les comtés d’Angleterre et du pays de Galles appartenait exclusivement aux propriétaires ou usufruitiers d’un freehold de 40 shillings au moins de revenu ; le copy hold, qui était une autre sorte de propriété, n’y donnait aucun droit, quelle que fût sa valeur, et il en était de même du lease hold, sorte de possession dont les conditions varient suivant les lieux, mais qui tient le milieu entre la propriété et la simple location.