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THOMAS MORUS.

cable. Hythlodæus répond qu’il en a vu dans ses voyages une application qui a parfaitement réussi. — Où donc ? demandent les interlocuteurs. — En Utopie. — On presse le voyageur de raconter tout ce qu’il a vu dans cette contrée merveilleuse. Hythlodæus commence son récit, et c’est de cette sorte que Morus amène sa description de l’Utopie. Ces préliminaires occupent tout le premier livre, dans un ouvrage qui n’en a que deux.

L’île d’Utopie est située au-delà de l’Océan atlantique. Elle tire son nom d’Utopus, roi d’un pays voisin qui l’a conquise, et lui a donné les lois qui la gouvernent encore. La capitale d’Utopie, la première des cinquante-quatre grandes villes du pays, s’appelle Amaurote[1].

La forme du gouvernement est républicaine. Tout s’y fait par élection, même le roi qui n’est qu’un simple magistrat. La seule chose qui le distingue des autres Utopiens, c’est qu’il porte une gerbe de blé à la main, en guise de sceptre. Le pontife, qui est le premier personnage de l’île après le roi, se fait précéder d’un homme tenant un cierge allumé.

L’organisation civile est fondée sur la famille. Chaque famille se compose de quarante personnes tant hommes que femmes, plus deux esclaves, car il y a des esclaves en Utopie. Pour trente familles, il y a un magistrat appelé philarque dont l’autorité s’étend sur les chefs de ces familles, et pour dix philarques, il y a un magistrat supérieur nommé protophilarque. Ces protophilarques, au nombre de deux cents, et élus pour un an, choisissent, en cas de vacance du trône, le prince entre deux candidats nommés par le peuple, et forment le conseil du roi qui est en charge. Ce conseil s’assemble tous les trois jours. En cas d’affaires importantes on consulte la nation. Chaque philarque assemble ses trente familles, recueille leur avis et va le porter au sénat. Cent soixante-deux citoyens, c’est-à-dire trois par chaque ville, forment ce sénat qui s’assemble tous les ans dans la capitale. On les choisit parmi les vieillards. Toutes les fonctions, soit législatives, soit exécutives, sont annuelles, hormis celle du roi qui est nommé à vie.

Tout appartient à tous, sauf les femmes. Quiconque a besoin d’une charrue, d’un habit, d’un outil de travail, va le demander au

  1. Ἀμαυρός, sombre, obscur, et sans doute par analogie, inconnu.