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JOCELYN.


« Je ne voudrais pas ce Faust, me disait une belle ame bien éclairée dans la pratique chrétienne : quand on travaille et qu’on fait son devoir de curé le jour, on dort la nuit. » — Oui ; mais ce Jocelyn du commencement n’est pas arrivé et fixé encore ; il n’a pas encore trouvé son calme, ni peut-être toute sa foi ; il n’a pas enseveli Laurence. Plus tard, quand Jocelyn a triomphé de cette maladie à laquelle se termine le manuscrit de ses confidences, quand il est tel que le Botaniste l’a connu, ses nuits sont calmes ; toute fièvre de passion ou d’incertitude a cessé. Il ne reste plus de lui que le ministre de charité, l’homme des admirables paraboles qu’il débite à son troupeau ; et s’il ne maudit pas le juif, si on sent qu’il n’aurait d’anathème, ni contre le vicaire savoyard, ni contre un confrère vaudois de l’autre côté des Alpes, ce n’est pas doute ni tiédeur de foi, c’est qu’il est de ce christianisme assurément fort justifiable, de ce christianisme, clément, comme Jésus, au bon Samaritain.

La mère de Jocelyn, affaiblie par la fatigue et la souffrance, a désiré revoir le village natal, dans lequel sa maison ancienne ne lui appartient plus ; elle a désiré y embrasser un moment, encore une fois, son fils, qui abandonne pour quelque temps Valneige. Jocelyn, lorsqu’il s’était informé de la santé de cette mère bien-aimée auprès de sa sœur lors de leur retour, avait dit avec cette beauté de cœur qui n’est qu’à lui :


Mais, dis-moi, rien n’a-t-il changé dans ses beaux traits ?
....................
Son œil a-t-il toujours ce tendre et chaud rayon,
Dont nos fronts ressentaient la tiède impression ?
Sur sa lèvre attendrie et pâle, a-t-elle encore
Ce sourire toujours mourant ou près d’éclore ?
Son front a-t-il gardé ce petit pli rêveur
Que nous baisions tous deux pour l’effacer, ma sœur,
Quand son ame, le soir, au jardin recueillie,
Nous regardait jouer avec mélancolie ?


Mais quand il la revoit si changée, quelle douleur est la sienne, mêlée de funèbre pressentiment ! La mère de Jocelyn veut parcourir une dernière fois la maison natale dans l’absence du nouveau possesseur. C’est une scène analogue à celle d’Amélie et de René