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REVUE. — CHRONIQUE.

pleine d’une éternelle incertitude, la droiture des cœurs conservant seule, mais conservant toujours ses droits à l’estime… Alors, si elle ne se console, l’ame se rassure ; elle reconnaît notre condition, apprend la justice sans abandonner ses croyances, et se décide à poursuivre dans l’obéissance à ce qu’elle juge la vérité, acceptant avec résignation tous les mécomptes, même toutes les luttes qu’il plaît à la Providence d’imposer à la bonne foi. » (Du Gouvernement de la France. Septembre 1820.)

Nous ne tarderons pas à savoir sans doute comment M. Thiers prétend se montrer l’homme de la révolution de juillet, et gagner les votes de la gauche qui lui a fait crédit jusqu’à présent dans de petites questions, mais qui ne lui donnera pas ses voix, sans conditions, dans une circonstance importante, comme serait, par exemple, une demande de crédits et de fonds secrets. Cette demande ne manquera pas de se produire prochainement, car M. Thiers a laissé la caisse du ministère de l’intérieur exactement vide, et même obérée par des engagemens. M. Thiers disait gaiement à M. de Montalivet qui lui remontrait l’état de détresse dans lequel le nouveau président du conseil lui livrait les finances de l’intérieur : — Arrangez-vous comme vous voudrez ! — Or, M. de Montalivet n’a qu’une manière de s’arranger, c’est de demander de nouveaux crédits à la chambre. Ces crédits consolideront pour quelque temps le ministère ; mais la gauche les livrera-t-elle sans prendre quelques garanties ? Se contentera-t-elle de l’assurance donnée par M. Thiers qu’il ne veut rien changer au système suivi jusqu’à ce jour ? C’est ce dont il est permis de douter. Et alors que deviendront les déclarations de M. Thiers ?

Quant au système extérieur, si l’on veut former quelques conjectures plausibles, il faut bien jeter un coup-d’œil sur la formation et l’origine de ce ministère, et s’arrêter même aux plus minces détails qui ne sont pas sans importance, quand il s’agit d’un ministère formé par M. Thiers.

Le 21, M. Thiers espérait encore faire entrer M. Duchâtel dans le cabinet. Il avait demandé formellement, à M. Guizot, cette garantie, c’est le terme dont se servit M. Thiers. — Dans le conseil de ce jour, M. Thiers avait déclaré nettement et sans ambages, que les doctrinaires avaient perdu la majorité dans la chambre, et qu’il était temps de se séparer d’eux. Chargé par le roi de former un nouveau cabinet, il ne pouvait accepter cette mission, si importante et si urgente en même temps, si MM. de Broglie et Guizot ne le déliaient de l’engagement qu’il avait contracté avec eux, et s’ils ne lui promettaient de ne pas le combattre dans la chambre. L’engagement de M. Thiers lui fut remis, non sans un sourire ironique, et on lui promit de ne pas le combattre, s’il suivait, ainsi qu’il l’annonçait, le système de gouvernement adopté depuis le 11 octobre. Ce fut alors que M. Thiers demanda une garantie, un otage, et cet otage, c’était M. Du-