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HISTORIENS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

il s’était fait dans l’étude des Pères un autre fond d’antiquité plus rapproché, et d’une comparaison plus neuve. Introduit pour la première fois à cette lecture à l’occasion d’un Essai sur l’Oraison funèbre qui complète l’Essai sur les Éloges de Thomas, il était tout d’abord allé, selon la nature de son esprit d’abeille, au miel contenu dans le tronc de ces vieux chênes. Il nous en a donné un extrait précieux dans d’éloquentes pages sur les Pères du Christianisme ; mais en ne cessant de les relire et de les étudier, il y découvrait chaque jour davantage ; et peut-être une histoire des premières sociétés chrétiennes en pourra plus tard sortir. Voilà déjà deux belles et puissantes positions occupées par M. Villemain, l’antiquité classique et l’antiquité chrétienne ; la troisième fut l’Angleterre, Milton, Shakspeare et les orateurs anglais. Ce nouveau choix est habile. L’Allemagne convenait peu à M. Villemain, il n’a pas mal fait de l’ignorer ou du moins de ne la savoir que par ouï-dire ; les questions sur ce terrain mouvant sont peu commodes à aborder ; on se perd dans des restes de Forêt-Noire. L’esprit net et concis du grand professeur y répugnait et avec raison. En transportant le débat en Angleterre, sur un sol circonscrit et autour de monumens irréguliers quelquefois, mais mesurables et visibles par tous les points, il pourvoyait à sa supériorité de critique, à sa sécurité de juge. Eh ! quel plus beau rendez-vous de discussion, quelle plus dominante vue sur les tournois littéraires du jour que les balcons de Shakspeare ! s’il n’y avait eu alors les Auger, Arnault et quelques autres, je pourrais ajouter : quel plus inviolable tour pour assister de haut et pour ne se mêler qu’à son heure au combat ! Enfin, comme quatrième et essentielle position, M. Villemain se porta au cœur du moyen-âge par ses études sur Grégoire vii. La gloire historique, qui, d’après l’exemple d’Augustin Thierry, le tente noblement, et qui est en effet le seul vœu d’agrandissement légitime qu’il ait à former, lui suggéra ce sujet et ces travaux, d’où il retira incidemment tant de profit pour sa critique littéraire. On conçoit donc qu’avec ces quatre réserves ainsi ménagées sur une base étendue, M. Villemain, critique et professeur, put se procurer, à tout instant, de quoi qu’il s’agît, le secours de maintes comparaisons, de maints rapports piquans ou lumineux : sa célérité volait d’un camp à l’autre ; il s’y repliait sans peine au besoin, et, pour dire un