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tics, en perruque poudrée, beaux esprits incorrigibles, dont l’imitation de Versailles avait peuplé toutes les cours du continent, rieurs à la suite, plaisans pacifiques et doucereux avec les grands, vantards, sonores et évaporés avec les petits.

Cet aimable homme, qui comprend si bien son époque, et qui aurait mis un quart de siècle à élaborer son in-douze, ne nous apprend pourtant rien d’intéressant, rien même qui suffise à un de ces momens d’ennui, où l’on ne marchande guère sur le mérite. Dans ses trois petits contes de farces patriotiques, il a grand soin de se poser avec une rare complaisance. Jamais Figaro n’aurait employé plus d’art dans les complications les plus embrouillées, qu’il assure en avoir mis pour dérouter les familiers de la police napoléonienne. Il a la parole haute et brève, une confiance illimitée dans son imaginative, la plaisanterie prétentieuse et raide comme un cadet prussien, l’air mystérieux de quiconque fait et dit des riens ; il parle argot, réhabilite les mots inconnus des dialectes provinciaux, pour éviter tous les termes nouveaux empruntés à l’odieux français, et déguise par prudence diplomatique les noms des localités. Je n’aurais jamais cru que la niaiserie servile coûtât autant de peine en Allemagne. Le tout aurait pu servir convenablement, en 1814, de parades, pour égayer à l’allemande les tristes tournois de Jahn, le vertueux teutomane.

Reiseskizzen, etc. (Esquisses de voyages en Allemagne, en Danemarck et en Suède) par Frédéric Mayer. 1 vol. Nüremberg.

M. Frédéric Mayer voyage pour son plaisir d’abord, il faut le croire, et surtout pour se donner, entre autres satisfactions, celle d’imiter Henri Heine, dont les Reisebilder ont, dès leur première apparition, fait école en Allemagne et même en France. C’est donc arriver un peu tard ; mais comme l’auteur est jeune et qu’il attache une grande importance à ses moindres actes, à ses impressions les plus fugitives, ses esquisses peuvent intéresser comme statistique naïve des mœurs extérieures dans l’Allemagne de 1834. M. Mayer était naguère étudiant : il se glorifie chaleureusement d’avoir assisté à l’enfantillage patriotique de Hambach. À cette époque, aucun espoir dans l’avenir de la liberté ne pouvait lui paraître exagéré. Les mécomptes dont nous avons été témoins depuis l’ont naturellement jeté dans l’excès contraire. Il s’est donc mis à être sceptique, morose et railleur de parti pris. Heureusement que les forces de la jeunesse, qui lui ont été fort utiles dans cette crise morale, le contraignent souvent à donner un démenti aux doctrines qu’il paraîtrait avoir choisies en littérature. Il s’épanouit, à la moindre occasion favorable, en