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REVUE DES DEUX MONDES.

ii.

Montons d’abord au troisième étage de Somerset-House, et faisons le tour de ses trois salons. Si nous ne voyons pas aussi impartialement que nous le souhaitons, ce sera peut-être un peu la faute du mois de mai, qui ne se presse pas d’ouvrir la petite session de soleil qu’il accorde d’ordinaire à Londres.

Au premier aspect, ce qui frappe surtout, c’est l’excessive quantité des portraits de toute taille. Sauf une ou deux exceptions, toutes les grandes toiles sont des portraits. C’est une foule éblouissante de pairs et de pairesses, de juges, de shériffs, d’aldermen, de lords-maires, d’amiraux, de généraux, de maréchaux, qui se pressent et se coudoient, traînant à l’envi les robes de satin et de velours, les manteaux de pourpre et d’écarlate. Je voudrais avoir à louer davantage dans cette cohue de hauts dignitaires, d’autant plus que le meilleur nombre s’est fait peindre par des académiciens. Mais, hélas ! des sept portraits qu’expose sir Martin Shee, président actuel de l’Académie, en est-il un qui témoigne autre chose qu’un savoir-faire matériel et vulgaire ? Je ne connais point M. Chantrey, mais je doute fort que cet admirable sculpteur ait littéralement l’épaisse expression de marguillier que lui attribue son collègue. Sir Martin Shee a succédé à sir Thomas Lawrence, mais ne l’a guère remplacé. Il a deux cordes à son arc : il s’adonne à la poésie didactique en même temps qu’à la peinture à l’huile, et se croit pour cela, dit-on, une moitié de Michel-Ange. Il s’en faut du tout.

C’est un échec académique plus solennel que le portrait de lord Lyndhurst, par M. Phillips. Vainement cherchez-vous la physionomie rusée, méchante, colère, méphistophélique de ce pair sans conscience, qui se venge des whigs, coûte que coûte, dût-il se perdre lui et les tories de la chambre haute, aveugles instrumens entre ses mains. Au lieu de cet homme d’état rongé de mauvaises passions éloquentes, vous avez une vieille figure grimacière, avec la perruque, le sac et la robe d’un chancelier. Mais ces détails de costume, dites-vous, sont très adroitement rendus. Et qu’importe ? N’était-ce pas le factieux politique qu’il fallait donner, plutôt que sa toge ?

J’adresserais bien des reproches analogues à M. Briggs, à