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SOCIALISTES MODERNES.

ples pour les ouvriers, poétiques et animées pour les artistes, sévères et précises pour les savans. Des centres d’organisation avaient été organisés par les soins de M. Henri Fournel dans les douze arrondissemens de Paris. Enfin, six églises départementales, à Toulouse, à Montpellier, à Lyon, à Metz, à Dijon, s’étaient déjà mises en rapport avec l’établissement métropolitain.

De son côté, le Globe agissait comme un levier incessant sur une masse de lecteurs que la curiosité conduisait parfois à l’examen, le sarcasme à la réflexion. Au nombre des choses remarquables qui parurent dans cette feuille, il faut citer une Économie politique de M. Enfantin, qui entrait dans les questions courantes, et, sans les prendre au point de vue exclusif et absolu de la doctrine, les résumait en combinaisons judicieuses et pratiques. Le chef saint-simonien descendit même alors jusqu’à proposer, dans l’organisation économique, quelques réformes transitoires.

Il commençait par poser ce principe :

« La société ne se compose que d’oisifs et de travailleurs ; la politique doit avoir pour but l’amélioration morale, physique et intellectuelle du sort des travailleurs, et la déchéance progressive des oisifs. Les moyens sont, quant aux oisifs, la destruction de tous les priviléges de la naissance, et, quant aux travailleurs, le classement selon les capacités et la rétribution selon les œuvres. »

Ceci établi, M. Enfantin consentait à ne pas exiger tout d’un coup la réalisation absolue et complète de cette théorie. Il admettait des procédés de transition ; il les créait, il les développait.

Parmi les réformes proposées par le chef saint-simonien, la plus décisive était l’abolition des successions collatérales, prolégomène évident de l’abolition de l’héritage. La succession collatérale, avec ses fractionnemens multiples, avec son cortége de procès, plus ruineux encore pour la société que pour les individus, la succession collatérale à douze degrés surtout, était une loi civile d’un mérite fort contestable, qu’on pouvait modifier sans que la société en fût ébranlée autrement qu’à la surface. Il y avait utilité et convenance à discuter si cette succession, appliquée en tout ou en partie au dégrèvement de l’impôt, ne serait pas un instrument beaucoup plus actif, beaucoup plus direct, beaucoup plus fécond qu’il ne l’est aujourd’hui dans sa répartition chanceuse ; à discuter encore si le respect pour les priviléges pécuniaires de la famille devait s’étendre