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Saint-Simon appelle le Pic de la Pensée, le problème de la certitude, problème dans lequel Laplace, combinant Condorcet et Pascal, a produit l’œuvre scientifique où la puissance rationnelle se produit avec le plus d’éclat. Mais le passé a cru au transport possible du fini dans l’infini, et réciproquement au transport de l’infini dans le fini. Telle n’est pas la croyance saint-simonienne.

La croyance saint-simonienne est celle-ci :

« Le problème de la certitude absolue se transforme en la foi au progrès, manifestée par deux ou trois formes de développemens également probables ; et, dans la certitude relative, constitue le jeu de l’intelligence sans cesse occupée à déterminer, selon les variations de la loi du progrès, les termes de la loi du temps et ceux de la loi de l’espace. »

Ou autrement :

« À chaque moment et en chaque lieu, l’homme veut, et sa volonté progressive, mais limitée, modifie le moment et le lieu, ou est transformée par eux. Le sentiment qu’il éprouve de l’autorité et de l’obéissance de sa volonté par rapport à ces deux conditions de son être, temps et lieux, le maintient dans cette assurance et cette timidité religieuse que Dieu nous a donné mission d’inspirer à l’humanité nouvelle par nos leçons et par notre exemple, et qui différencient notre vie de toutes les existences du passé. Plus l’homme dispose en maître de son temps, plus il doit mesurer l’espace avec défiance dans sa puissance finie, et plus il domine l’espace, plus il doit compter le temps avec une scrupuleuse timidité ; plus il se livre à son imagination, plus il doit invoquer le secours de la pratique ; plus il obéit à son instinct, plus il doit recourir à sa raison. »

À la suite de ces formules nouvelles, ou plutôt de ce nouveau principe de la certitude absolue, qui en effet ne touche en rien aux travaux antérieurs, M. Enfantin, l’auteur de la partie essentielle du Livre nouveau, fonde une analogie qui lui semble merveilleuse entre la langue métaphysique nouvelle et le calcul des probabilités. Cette analogie est le trinôme : probabilités, logarithmes, asymptôtes. « Quand j’eus trouvé ces mots, je fus heureux, s’écrie-t-il, car j’avais trouvé la voie qui me ramenait aux formules et aux formes. »

Le reste du Livre nouveau n’est plus qu’une longue équation dans laquelle les algébristes de la doctrine cherchent à dégager son inconnue. C’est un travail dans le genre de ceux de Wronski, qu’il faut renvoyer aux mathématiciens de l’Institut.