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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE.

verre et d’encadrer. Ces jolies miniatures sont toutes, je l’avoue, un peu tristes ; mais est-ce la faute de M. Downing, si le soleil est six mois de l’année sans vouloir luire pour la capitale de l’Angleterre ?

Les marines et les paysages de M. Sheperd ne manquent ni de relief ni de vie. Mais l’inexpérience s’y trahit évidente. On reconnaît que le peintre tâtonne et cherche encore. Il n’est pas le maître de sa composition. Il caresse et prodigue les détails outre mesure. Ses peintures vous fatiguent et vous éblouissent. C’est qu’elles n’ont aucun centre. Il oublie d’y marquer le point visuel.

M. Warren, le dernier que nous ayons à nommer, possède une imagination vive et fertile ; c’est dommage que le pinceau lui résiste autant et réalise si incomplètement sa pensée. Quelques-uns de ses trop nombreux ouvrages doivent être cependant mis à part, où la verve et l’originalité rachètent presque l’incorrection et la négligence.

L’Embarcation de la reine Élisabeth à Greenwich est une chaude et brillante illustration de la célèbre scène du roman de Kenilworth.

Il y a de la grandeur, il y a de l’orient dans cette peinture où nous voyons les statues colossales de Thèbes, au milieu de l’inondation du Nil, paisiblement assises sur leurs sièges de granit, et regardant, souriantes, le fleuve débordé qui monte à peine mouiller leurs pieds.

Une autre composition moins sérieuse caractérise mieux peut-être l’esprit d’invention de l’artiste.

Des sylphes et des sylphides ont sommeillé tout le jour dans leurs calices de roses. Éveillés à la brune, voilà qu’ils commencent de courir le jardin, sautant de touffes de fleurs en touffes de fleurs. Mais, grande aventure ! sur une large feuille d’hortensia a resplendi tout à coup un ver luisant. Aussitôt les mains s’enlacent. Une ronde se forme autour de l’insecte radieux. L’orchestre même ne manquera pas à ce bal improvisé. L’un des sylphes a pris un pétale de chèvrefeuille et l’embouche comme une trompette, tandis qu’un autre touche des fils d’une toile d’araignée, ainsi que d’une harpe. Entendez-vous le bruit des pas de la danse et les accords de la musique ? vraiment il y a là un souffle de poésie fantastique tout shakspearien. Cette folie des fées de M. Warren ne déshonorerait pas les folles fantaisies de la reine Mab et de sa cour.