Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
IL NE FAUT JURER DE RIEN.

VALENTIN.

Moi ? pas du tout. Ce qui me chagrine, lorsque vous êtes irrité, c’est qu’il vous échappe malgré vous des expressions d’arrière-boutique. Oui, sans le savoir, vous vous écartez de cette fleur de politesse qui vous distingue particulièrement ; mais quand ce n’est pas devant témoins, vous comprenez que je ne vais pas le dire.

VAN BUCK.

C’est bon, c’est bon, il ne m’échappe rien. Mais brisons là, et parlons d’autre chose ; tu devrais bien te marier.

VALENTIN.

Seigneur, mon Dieu ! qu’est-ce que vous dites ?

VAN BUCK.

Donne-moi à boire. Je dis que tu prends de l’âge, et que tu devrais te marier.

VALENTIN.

Mais, mon oncle, qu’est-ce que je vous ai fait ?

VAN BUCK.

Tu m’as fait des lettres de change. Mais quand tu ne m’aurais rien fait, qu’a donc le mariage de si effroyable ? Voyons, parlons sérieusement. Tu serais, parbleu, bien à plaindre quand on te mettrait ce soir dans les bras une jolie fille bien élevée, avec cinquante mille écus sur ta table pour t’égayer demain matin au réveil. Voyez un peu le grand malheur, et comme il y a de quoi faire l’ombrageux ! Tu as des dettes, je te les paierais ; une fois marié, tu te rangeras. Mademoiselle de Mantes a tout ce qu’il faut…

VALENTIN.

Mademoiselle de Mantes ! Vous plaisantez ?

VAN BUCK.

Puisque son nom m’est échappé, je ne plaisante pas. C’est d’elle qu’il s’agit, et si tu veux…

VALENTIN.

Et si elle veut. C’est comme dit la chanson :

Je sais bien qu’il ne tiendrait qu’à moi
De l’épouser, si elle voulait.

VAN BUCK.

Non ; c’est de toi que cela dépend. Tu es agréé ; tu lui plais.

VALENTIN.

Je ne l’ai jamais vue de ma vie.

VAN BUCK.

Cela ne fait rien ; je te dis que tu lui plais.