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REVUE. — CHRONIQUE.

de côté et d’autre, et sans avoir été jusqu’ici sérieusement entamé. Les choses allaient mieux en Catalogne ; mais dans Valence et dans le Bas-Aragon, des bandes audacieuses dévastaient le pays et l’épouvantaient par leurs atrocités. Tout cela n’était pas très grave, don Carlos était encore bien loin de Madrid ; mais, enfin, le parti exalté, mécontent du dernier changement de ministère et battu dans les élections, aimait mieux crier à la trahison, accuser Cordova de perfidie, et vociférer contre M. Isturitz, que de reconnaître les véritables causes qui éternisent la guerre civile, c’est-à-dire le manque d’argent, le manque d’union, l’absence d’une direction vigoureuse et suivie, les rivalités des généraux, et par-dessus tout un certain découragement dans les esprits, suite naturelle des oscillations du pouvoir et des réactions en sens contraires qui ont tant de fois affligé les honnêtes gens dans le court espace de quelques années. Les meneurs ont profité de ces défiances ; les carlistes ne se sont pas fait faute de les augmenter, d’exaspérer les haines, d’entretenir les divisions, et il en est résulté la tentative révolutionnaire qui a donné au gouvernement de la reine deux ennemis à combattre au lieu d’un, qui ajouterait aux chances du prétendant, si le prétendant et les siens étaient d’autres hommes, qui ôtera momentanément quelques ressources, et coûtera quelque argent au trésor, mais prouvera, nous l’espérons fermement, la double impuissance des carlistes et des révolutionnaires, vaudra au gouvernement de la reine une démonstration vigoureuse de ses alliés, et ralliera définitivement autour du trône tout ce qu’il y a de sensé, d’honnête et de vraiment patriote dans la nation espagnole.

Il n’y a eu de résistance nulle part, c’est vrai ; le mouvement s’est propagé rapidement et accompli sans peine. On dit que les gardes nationales se sont partout prononcées unanimement pour la constitution ; enthousiasme, proclamations, feux de joie, rien n’a manqué de ce qui ne manque jamais en pareil cas ; mais tout cela ne prouve pas grand’chose. Proclamer la constitution de 1812 pour le peuple espagnol, c’est proclamer le souvenir d’une grande époque, d’un grand ébranlement national, d’une défense héroïque, de la guerre de l’indépendance, souvenirs sur lesquels on vivra encore long-temps en Espagne, parce qu’il n’y a rien autre chose dans son histoire depuis la découverte du Nouveau-Monde. Les trois quarts des Espagnols ne savent pas ce que c’est que la constitution de 1812 ; ils ne l’ont pas étudiée, ils ne se passionnent certainement pas pour le système d’une seule chambre ; ils s’inquiètent peu du veto suspensif ou absolu, de la députation permanente, de tous les rouages mal combinés qui rendent inapplicable la constitution de 1812. Pour eux, cela ne veut dire que liberté, indépendance, élan national. Qu’il se tourne contre les carlistes, à la bonne heure ; mais encore faut-il, de toute nécessité, un gouvernement, un pouvoir central, fort, intelligent et respecté, pour le diriger.

À côté de la grande pièce qui se joue en public, il y a toujours la petite qui se joue dans les coulisses. Dans les mouvemens populaires, il y a toujours des hommes qui cherchent de l’importance locale ; de là ces juntes si nombreuses. L’histoire de M. de Toreno dit à ce sujet un mot plein